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Stockage de chaleur fatale : Eco-Tech Ceram poursuit sa course
La PME toulousaine Eco-Tech Ceram s’appuie sur la recherche pour développer ses solutions de décarbonation, dont le stockage de chaleur à base de céramique. Une recette jusqu’ici couronnée de succès.
En ce mois de janvier 2025, Eco-Tech Ceram boucle sa troisième levée de fonds. Objectif : accélérer les ventes en France et viser l’international. La première levée de fonds s’est déroulée en 2017. « Quand on développe une innovation dans un laboratoire, il reste l’étape du transfert de technologie. Beaucoup d’entreprises disparaissent, car elles ne réussissent pas à obtenir l’argent nécessaire pour transformer l’essai », explique a posteriori Antoine Meffre, PDG d’Eco-Tech Ceram, une société qu’il a fondée en 2014.
La céramique comme stockage
La PME toulousaine est le fruit de plusieurs thèses doctorales, dont celle du fondateur. Devenu docteur en énergétique et génie des procédés, Antoine Meffre a effectué sa recherche au CNRS de Perpignan, sur les matériaux de stockage thermique et l’économie circulaire. Son travail sur le recyclage de l’amiante l’a mené à déterminer comment obtenir des céramiques les plus performantes possibles, à partir de la fonte de fibres d’amiante à très haute température.
« On peut utiliser ces céramiques comme matériaux de stockage de la chaleur pour les industriels. Leur qualité dépend de la vitesse de refroidissement. En laboratoire, nous avons obtenu le type de céramique que nous voulions. Puis il a fallu passer à l’échelle industrielle. C’est une étape risquée, car l’entreprise ne génère pas encore de chiffre d’affaires mais doit investir », raconte Antoine Meffre. Eco-Tech Ceram a réussi son premier transfert de technologie avec un budget de 3 millions d’euros financé à 45 % par Bpifrance, en étant lauréate du concours mondial de l’innovation. Elle a notamment réalisé un démonstrateur et une présérie industrielle. Tout en continuant à maintenir le lien avec le monde de la recherche (lire encadré).
Chaleur décarbonée
Désormais, elle sait fabriquer ses solutions sur son site de Toulouse ou à l’étranger. La chaleur fatale est stockée dans des cuves de céramiques chauffées jusqu’à 1 000 °C. Elle va ensuite servir dans les process industriels à la place du gaz, au moins une fois par jour pour une question de rentabilité. « Nous sommes capables de produire de la chaleur décarbonée, sur mesure, à haute température, à partir d’un minimum de 25 € le MWh », assure le PDG.
Eco-Tech Ceram propose l’achat de l’installation complète ou se pose en tiers investisseur pour fournir des mégawattheures de chaleur sous forme d’abonnement. Secteurs visés : l’industrie lourde dans la céramique, la métallurgie, voire l’agroalimentaire. Cette solution a par exemple déjà séduit les fabricants de tuiles et briques Tegulys et Wienerberger, ainsi que le fabricant de céramiques sanitaires Villeroy & Boch.
Réduire la dépendance aux fossiles
L’entreprise a aussi mis au point d’autres prestations d’économies d’énergie et de décarbonation de la chaleur : optimiser l’allumage et l’extinction des fours, effectuer un réglage fin des brûleurs de gaz… « Après avoir fait de la sobriété, de l’efficacité et de la valorisation de chaleur fatale, on a économisé 40 % de la consommation initiale en énergie fossile. Il en reste encore 60 %. Nous avons développé une solution d’électrification (power-to-heat), par laquelle nous convertissons l’électricité en chaleur en nous basant sur l’effet Joule*. Ce procédé peut être utilisé quand le prix de l’électricité est bas, afin de charger notre batterie de chaleur en céramique. Il est intéressant de remarquer que moins l’électricité est chère, moins elle est carbonée** », assure Antoine Meffre, jamais à court d’idées.
* L’effet Joule est le dégagement de chaleur provoqué par le passage d’un courant électrique d’un matériau conducteur ayant une résistance électrique non nulle.
** En France, l’électricité est d’abord produite par les énergies renouvelables et le nucléaire. S’il en manque, il faut alors faire appel à des moyens de production de pointe de type centrales à gaz, voire charbon, ce qui augmente son coût, mais aussi son bilan carbone.
Partenariats avec des laboratoires
« Pour concevoir les solutions les plus performantes et les moins chères, il faut maîtriser de nombreux paramètres, dont le choix des matériaux et les transferts thermiques. Pour cela nous avons besoin de réaliser des modélisations. Nous utilisons les compétences des scientifiques en laboratoire, leurs outils de modélisation, leur halle de manipulation. » Eco-Tech Ceram collabore avec l’IMT Mines d’Albi du réseau des instituts labellisés Carnot, dans le cadre d’un programme de R&D de dix ans visant à adapter les solutions de la PME à différents types de chaleur fatale : haute température, basse température, fumées plus ou moins complexes à gérer, corrosion…
« D’une manière générale, les partenariats avec des instituts de recherche nous aident à résoudre les verrous au fur et à mesure. L’État finance les laboratoires et peut rembourser une partie des dépenses de recherche des entreprises selon les cas, notamment les thèses à travers différents dispositifs. La France est à la pointe concernant le soutien à l’innovation. En revanche, elle est à la traîne pour le soutien à l’industrie, en particulier pour inciter voire obliger les industriels à se décarboner », regrette Antoine Meffre.