Apprendre des autres
Recourir aux matériaux issus des déchets de chantier
Près de Caen, Recyclage négoce mondevillais répond à la législation imposant le recyclage de 70 % des déchets de chantier. Pour cela, l’entreprise a réalisé des investissements et a sensibilisé ses équipes. Reste que les maîtres d’œuvres sont encore frileux à l’idée d’utiliser des produits issus de déchets.
En France, la législation impose depuis 2020 aux acteurs du BTP le recyclage de 70 % des déchets de chantier via la loi relative à la transition énergétique de 2015. Créé en 2018, Recyclage négoce mondevillais, un centre de revalorisation des déchets inertes issus du BTP, a anticipé cette obligation. Cela lui a d’ores et déjà permis de réceptionner 50 000 tonnes de déchets issus de déconstruction, ainsi que 50 000 tonnes de couches de fossé, et de les revaloriser à 100 %. L’entreprise a en outre récupéré 100 000 tonnes de terre revalorisées, elles, à hauteur de 10 %. Ces terres proviennent des chantiers et transitent par la plateforme. Elles sont recyclées via un procédé de traitement à la chaux. Les 90 % restants retournent dans les carrières par faute de débouchés. À ce titre, la législation pose un gros problème.
« L’Etat a accepté que l’enfouissement des terres dans les carrières compte comme de la valorisation, ce qui fausse un peu la donne. En effet, lorsqu’ils creusent, les fournisseurs de cailloux retirent des cailloux qu’ils vendent. Ils récupèrent ainsi de la terre qui est ensuite acheminée pour remblayer le trou. Il est ainsi facile d’atteindre 70 %, voir 90 % de valorisation de ces terres, sinon on tournerait davantage autour de 30 %. De notre côté, étant donné que nous sommes une plateforme, nous n’enterrons pas les terres que nous récupérons. Dans le cadre de l’économie circulaire, nous nous efforçons de réutiliser tout ce qui rentre sous forme de produits, localement », explique Romaric Floro, directeur général de Recyclage négoce mondevillais. Les terres recyclées par l’entreprise sont proposées aux maîtres d’œuvre, aux communautés de communes et à la Direction départementale du Calvados, sous la forme de produits chaulés, utilisés en remblais de chantier, en remblais de sous-voirie et en terrassement général, en complément des produits issus de carrière. Ces produits chaulés peuvent ainsi être employés pour remblayer des terrains lorsqu’il est nécessaire de retirer de la terre et de placer des cailloux, dans le but de construire une maison par exemple.
Recyclage négoce mondevillais récupère également du béton et des couches de chaussée, les trie et les concasse afin de commercialiser des graves destinées à remblayer les tranchées. L’ensemble de ces produits recyclés est analysé en amont par un laboratoire indépendant qui garantit leurs caractéristiques géotechniques et environnementales. L’entreprise répond ainsi à deux enjeux majeurs du BTP : les produits étant traités sur la plateforme, cela offre la possibilité de réduire sensiblement le transport des camions. Les clients ont d’ailleurs la possibilité de se rendre sur la plateforme avec leurs déchets et de repartir avec des produits recyclés. En outre, la revalorisation des déchets de chantier permet d’éviter d’extraire des matières naturelles, les caractéristiques des produits recyclés étant identiques à celles des produits conventionnels.
Un changement de mentalité nécessaire
Afin de valoriser les déchets de chantiers, Recyclage négoce mondevillais utilise une pelle mécanique et une pince, mais elle travaille également beaucoup de façon manuelle. En outre, l’entreprise a dû investir dans un bassin de récupération des eaux de pluie. En effet, une partie de son site est étanche. Or, l’entreprise a besoin d’eau en permanence pour limiter au maximum les poussières lors de la production et du stockage des matériaux recyclés. Pour cela, elle a investi 500 000 euros en foncier et en outillage. Par ailleurs, Recyclage négoce mondevillais a sensibilisé ses équipes aux techniques de recyclage.
D’autres projets pourraient d’ailleurs être réalisés à terme, en particulier en matière de terrassement (pour préparer les terrains) et de concassage. Pour le moment, celui-ci est en effet pris en charge par un prestataire, car la machine dédiée à ce traitement coûte plusieurs millions d’euros. Toutefois, l’entreprise manque pour le moment de débouchés lui permettant de réaliser cet investissement. C’est également pour cette raison qu’elle ne traite au maximum que 10 % des terres qu’elles reçoit, d’autant que sa surface de stockage est limitée à 10 000 m2. « Il s’agit surtout d’un manque de connaissance et de frilosité. Les maitres d’œuvre n’ont pas confiance car nos produits étaient des déchets à la base. Cette mauvaise image est due à d’anciennes pratiques peu scrupuleuses. Les produits recyclés n’étaient pas triés et comportaient des déchets, avec comme conséquence des produits finis de mauvaise qualité. Désormais, lorsque l’on arrive avec des façons de faire plus propres, il est difficile d’imposer les produits, comme ce fut le cas au début avec nos graves recyclées. Cela est dommage car les tarifs ne sont pas plus élevés que ceux des matériaux non recyclés. Cela devrait évoluer, mais encore faut-il parvenir à convaincre les clients finaux », indique Romaric Floro. À bon entendeur…