Apprendre des autres
Quitoque concocte un score carbone pour les repas livrés
Née en 2015, la PME française Quitoque livre des ingrédients frais prêts à cuisiner. Pour réduire son empreinte carbone, elle lance l’affichage du score carbone de ses recettes. Explications avec Laure Lapostolle, directrice générale adjointe de Quitoque.

Que propose Quitoque ?
Laure Lapostolle : Nous proposons 40 recettes différentes chaque semaine. Nous demandons à nos clients de choisir deux à neuf recettes pour leur semaine et de les commander au moins six jours à l’avance. Nous leur livrons une box contenant la juste quantité d’ingrédients frais, des fiches recettes, et ce sont eux qui cuisinent. L’un des avantages est de réduire le gaspillage alimentaire à la maison, ainsi qu’à l’étape de la distribution, car nous n’avons pas de stock.
Pour diminuer votre empreinte carbone, quel a été le point de départ ?
L. L. : En mars 2023, Quitoque est devenue une entreprise à mission, avec pour raison d’être : « faire de la cuisine l’ingrédient d’une vie plus belle, plus saine et plus durable ». Sur cette base, nous avons construit une feuille de route, dont l’une des mesures est de réduire l’empreinte carbone de nos assiettes de 5 % par an. Nous avons aussi développé en interne un atelier alimentation durable, afin que tous les salariés (160 aujourd’hui) comprennent, entre autres, les enjeux de l’empreinte carbone de l’alimentation. Notre métier est de concevoir des recettes et de sélectionner les bons produits. Grâce à la base de données Agribalyse de l’Ademe, nous avons accès aux facteurs d’émission* de chaque ingrédient, cru ou cuit. Nous pouvons donc mesurer l’empreinte carbone de chaque assiette.
Comment diminuer le poids carbone de vos recettes ?
L. L. : En 2022, le poids moyen en CO2 des assiettes achetées par nos clients était de 1,3 kg. Il est passé à 1,23 kg en 2023 et à 1,15 kg en 2024, soit une réduction de 11,5 % en deux ans. La viande rouge étant l’aliment qui a le plus fort impact carbone, nous avons diminué le nombre de recettes avec du bœuf et introduit plus de recettes avec du canard, du coquelet ou du lapin. Nous avons augmenté la part de propositions végétariennes, qui représentent maintenant 40 % de nos recettes chaque semaine. Et même si la consommation végétarienne continue à progresser, changer ses habitudes prend du temps. Aussi, nous activons en complément un autre levier : décarboner les filières. L’empreinte carbone d’un poulet nourri avec des cultures françaises est plus faible que celle d’un poulet nourri avec du soja importé. Nous allons ainsi remplacer 50 % de notre poulet par du poulet Bleu Blanc Cœur, dont le facteur d’émission est inférieur de 27 % à celui du poulet conventionnel.
Pourquoi un score carbone ?
L. L. : Toute cette démarche restait peu visible pour les clients. Nous avons été inspirés par l’impact du Nutri-score. En général, les produits avec un meilleur Nutri-score se vendent mieux que les autres, de même chez Quitoque. Courant mars, nous allons donc lancer notre score carbone. Pour que ce soit plus parlant, nous avons choisi d’afficher des scores avec des couleurs plutôt qu’avec des kilos de CO2. Ce sera le même type d’affichage que pour le Nutri-score, avec une lettre allant de A (en vert) pour un très bon score carbone (moins de 0,8 kg de CO2 par assiette) jusqu’à E (en rouge) quand l’empreinte carbone est très élevée (supérieure à 4 kg).
En revanche, notre calcul n’inclut pas la livraison des ingrédients chez le client, qui ne varie quasiment pas d’une recette à l’autre, et dont la part dans un bilan carbone est beaucoup plus faible que celle des ingrédients eux-mêmes. D’après notre dernier bilan carbone, les ingrédients représentent plus de 80 % de nos émissions totales de CO2. Nous agissons aussi pour réduire les 20 % restants. Par exemple, nous avons réduit de 15 % le poids du carton d’emballage des box en optimisant leur taille par rapport à la contenance, et nous utilisons du carton recyclé à minimum 70 %.
* Agribalyse est une base de données publique française d’indicateurs environnementaux des produits agricoles et alimentaires fondés sur l’analyse du cycle de vie. Le facteur d’émission est le ratio entre la quantité de gaz à effet de serre émis par un produit ou un service et la quantité unitaire de ce produit ou service.
Du carbone dans l’assiette
L’alimentation représente près d’un quart de l’empreinte carbone moyenne d’une personne vivant en France. Sur l’année 2021, chaque personne a ainsi émis une moyenne de 9,9 tonnes d’équivalent CO2 (CO2eq) dans l’atmosphère, dont 2 450 kg liés au contenu de son assiette (source Carbone 4). Ce dernier chiffre, rapporté à trois repas par jour, correspond à une moyenne actuelle d’émissions de 2,24 kg CO2eq par personne et par repas. La viande pèse pour plus d’un tiers de nos émissions alimentaires. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’objectif est une empreinte carbone de 2 tonnes par personne et par an, tous postes confondus (déplacements, logement, nourriture, etc.). Ce qui suppose de diviser les émissions de notre alimentation par 4, voire 5.