Apprendre des autres

Quand la transition permet de se réinventer

La transition énergétique offre de nouveaux domaines d’activité. La PME strasbourgeoise Ecogreenenergy a eu l’idée de recycler la chaleur fatale des grands industriels selon le modèle du tiers investissement. Pour sa présidente, Amandine Aubert, la transition énergétique oblige à penser autrement pour s’adapter.

PAR CAROLE RAP - FéVRIER 2022
Amandine Aubert, présidente d’Ecogreenenergy. ©Nathalie Oundjian

Quand Amandine Aubert crée Ecogreenenergy en 2008, le marché du recyclage de la chaleur fatale industrielle n’est pas mûr. À l’époque, elle travaillait dans une entreprise d’équipements industriels. « Nous cherchions des relais de croissance autres que le renouvellement d’équipements. Nous avons réfléchi au gaspillage d’énergie dans l’industrie et à quelle serait l’intelligence globale pour économiser cette énergie », explique la cheffe d’entreprise aujourd’hui âgée de 43 ans.

Une idée innovante

En accord avec son employeur, elle lance sa société basée sur la conception de solutions visant à réemployer la chaleur issue des procédés industriels (ce recyclage permet de la transformer en chaleur décarbonée). « Le concept était joli, mais en 2008, le marché était tellement lent, et puis c’était la crise économique. Alors nous avons vendu des audits énergétiques. » Ce n’est qu’en 2012 qu’Ecogreenenergy réussit enfin à implémenter sa première installation technique clé en main. Les contrats s’enchaînent. En 2019, la PME strasbourgeoise affiche une croissance annuelle moyenne de 54 % depuis cinq ans. Elle étoffe son équipe d’ingénierie pour concevoir des solutions sur-mesure. Les applications sont multiples. Par exemple, réutiliser la chaleur dégagée par un parc de compresseurs pour préchauffer de l’eau nécessaire à un procédé industriel. Ou recycler l’énergie fatale évacuée par des tours aéroréfrigérantes pour alimenter des sécheurs ou contribuer à la production d’eau chaude sanitaire. Les clients sont de grands industriels de l’agroalimentaire, des cosmétiques, de la santé, etc. « En France, le gisement de chaleur fatale industrielle est de 110 TWh selon l’Ademe », rappelle Amandine Aubert. De quoi aiguiser les appétits.

Savoir s’adapter

Face aux concurrents qui se multiplient, Ecogreenenergy change son modèle d’affaire courant 2019. « Ils proposaient des solutions qui semblaient identiques sur le papier mais qui, à notre sens, ne garantissaient pas la performance », justifie la présidente. Pour se différencier, la PME se positionne en tiers investisseur. Le client n’a plus à investir dans la solution mais signe un contrat d’achat de chaleur verte. Adieu les Capex (dépenses d’investissement) qui pèsent sur les ratios d’endettement des entreprises. « Nous nous engageons sur la performance de nos solutions. Si nous ne vendons pas de chaleur, nous n’avons pas de chiffre d’affaires », souligne Amandine Aubert. Les clients suivent. Fin 2019, la présidente d’Ecogreenenergy se voit décerner le trophée national Femme chef d’entreprise 2019 dans le cadre de l’événement “Femmes de l’économie” organisé par le groupe Idecom.
Las, la crise du Covid vient freiner cette belle énergie. « Tout le monde s’est concentré sur son propre business. La décarbonation n’était pas le sujet », témoigne Amandine Aubert. De plus, les conditions d’accueil sur les sites industriels se restreignent. Or, les ingénieurs d’Ecogreenenergy ont besoin de réaliser des investigations sur place pour proposer les solutions les plus adaptées. La bouffée d’air arrive avec le plan France Relance décarbonation. Le gouvernement débloque de grosses enveloppes d’aides pour soutenir les investissements dans la décarbonation de l’industrie. Les contrats repartent. Fin 2020, Ecogreenenergy met aussi un pied en Allemagne et en Belgique, grâce à ses clients qui lui demandent d’intervenir dans leurs usines européennes. « On avait déjà essayé d’avoir un agent commercial en Allemagne mais on avait abandonné car c’était très compliqué, il nous fallait des références locales ». C’est désormais chose faite.

Sources d’inspiration

« La transition énergétique peut paraître une contrainte, avec des objectifs qui semblent hors d’atteinte. Mais pour l’avoir vécu, et pour l’avoir vu chez nos clients, on se rend compte que c’est aussi une source incroyable d’innovation. De devoir penser autrement, d’écouter les contraintes des clients, cela nous conduit à inventer », constate Amandine Aubert, présidente d’Ecogreenenergy.

  • Chiffre d’affaires : 20 millions d’euros.
  • Effectif : 60 personnes.
  • Objectif : 200 personnes en 2027.

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