Circuler plus vert
Opter pour une stratégie 100 % biogaz
Le distributeur et transporteur d’hydrocarbures Defa s’est positionné sur le biogaz il y a plusieurs années afin d’entamer la mutation de son activité. Il s’est notamment doté d’une flotte de véhicules roulant au bioGNC, ce qui lui a permis de réduire de 85 % ses émissions de CO2. Néanmoins, son directeur regrette un manque de rentabilité.

Créé en 1958 et basé en Ariège, Defa est à la fois distributeur et transporteur d’hydrocarbures (gazole, fioul, biofioul, etc.). Sa flotte est composée de poids lourds, d’utilitaires et de véhicules légers qui roulaient auparavant tous au diesel ou à l’essence. Sa transition a commencé au début des années 2000, avec la volonté de se tourner uniquement vers le gaz, puis le biogaz. « À l’époque, je savais que mon activité était condamnée, explique Pierre Denis-Farge, directeur de Defa. Or, en tant que fournisseur de carburant, la loi m’imposait des économies d’énergie dans le cadre des CEE [certificats d’économie d’énergie, ndlr] ».
Vers le GNC
L’entreprise a donc relancé le poste de compression de son ancienne station de Saint-Girons – ouverte en 1948, la station ravitaillait autrefois des camions au gaz – pour ravitailler ses premiers véhicules légers en GNV (gaz naturel véhicule), puis en GNC (gaz naturel comprimé). Elle s’est également inscrite dans un programme dans le but de créer une unité de méthanisation avec des agriculteurs, mais le projet a avorté. Finalement, Defa a décidé d’ouvrir en 2015 une station publique à Mont-de-Marsan, dans les Landes, d’abord pour alimenter en bioGNC et en gaz naturel des véhicules légers et des utilitaires. Puis la station a été adaptée en 2020 afin d’accueillir également les poids lourds.
Pour l’alimenter en biogaz, Defa achète des garanties d’origine, via son fournisseur de gaz, auprès de producteurs basés en Nouvelle-Aquitaine (des unités de méthanisation et des stations d’épuration). La station de Saint-Girons, elle, est passée au 100 % bioGNC en 2021, lorsqu’une unité de méthanisation agricole est entrée en service sur le territoire ariégeois (celle-ci fournit elle aussi des garanties d’origine à Defa), mais elle continue de proposer du gaz naturel. L’entreprise a également profité de ces projets pour accélérer la transition de sa flotte à partir de 2013. « Symboliquement, j’ai participé au rallye Monte-Carlo en 2015 avec une 2CV biogaz et tous nos véhicules légers sont progressivement passés à cette énergie. En 2020, nous avons reçu notre premier camion pétrolier bioGNC », indique Pierre Denis-Farge.
Le surcoût du biogaz
Afin de concrétiser sa stratégie, Defa a signé la charge Objectif CO2 en 2021 et a obtenu le label l’année suivante. Sur une dizaine d’années, le renouvellement de sa flotte lui a permis de réduire de 85 % ses émissions de carbone. Aujourd’hui, outre six véhicules légers et la 2CV, l’entreprise compte deux porteurs et deux utilitaires au bioGNC (le second a été reçu en 2023). Elle a tout de même acheté un porteur diesel répondant à la norme antipollution Euro VI pour pérenniser ses livraisons, mais celui-ci est uniquement utilisé lors de l’entretien des autres camions.
À ce titre, Defa apporte un bémol : le manque de rentabilité du biogaz. « En tant que transporteur, le passage au biogaz présente un surcoût non négligeable par rapport à la concurrence. Or, il m’est impossible de le répercuter sur mes clients, des PME et des particuliers. Seul l’un d’entre eux tient compte du critère environnemental pour ses approvisionnements. Les autres ne regardent que le prix », assure Pierre Denis-Farge. En outre, l’entreprise a dû autofinancer l’achat des véhicules (en tant que distributeur d’hydrocarbures, elle n’était pas éligible aux aides de l’Ademe), mais aussi le développement de la station de Saint-Girons pour son activité de distribution. De leur côté, les travaux de Mont-de-Marsan ont été réalisés dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt de la Région Nouvelle-Aquitaine et l’entreprise a bénéficié de subventions pour les équipements et l’exploitation.
Une nécessaire conviction
Reste que la distribution de biogaz ne s’est pas développée comme prévu, notamment en raison de la guerre en Ukraine qui a freiné les transporteurs et leur clientèle. « Il faut vraiment être convaincu pour se lancer dans le biogaz. Mes charges sont plus faibles que dans les grandes villes, ce qui m’a permis de tenir, mais les politiques publiques ne sont pas cohérentes, affirme Pierre Denis-Farge. La méthodologie pour fixer les prix du biogaz, par exemple, est telle que les garanties d’origine se superposent à la TICGN [taxe intérieure de consommation du gaz naturel]. Cela a freiné le développement de la filière. Auparavant, le biogaz était en effet exempté de cette taxe fixe, ce qui permettait d’absorber les garanties d’origine, mais cela n’est plus le cas. »