Le tour de la question
Vaporeformer le biogaz en hydrogène fermier
Le biométhane peut être transformé en hydrogène « fermier » de qualité pile à combustible par un traitement à la vapeur d’eau à très haute température. Décryptage.
Utiliser les unités de méthanisation notamment agricole en centrales de production d’hydrogène décarboné. La question est étudiée de près dans certains territoires, qui ont besoin de trouver des sources d’hydrogène renouvelable pour leur développement. Dans la Manche par exemple, un groupe d’agriculteurs regroupé au sein du GIEE (groupement d’intérêt économique et écologique) « développer des exploitations à énergie positive » a mis le sujet sur la table en 2021 pour mener des réflexions sur une filière locale d’hydrogène fermier à destination de transporteurs ou de collectivités.
Pour créer de l’hydrogène « biogénique » à parti de biogaz, le procédé du vaporeformage semble prometteur. Cette technique est celle qui est déjà utilisée actuellement pour produire l’hydrogène à partir d’hydrocarbures pour les besoins industriels. Elle concerne 95 % de l’hydrogène produit en France selon l’IFP Énergies nouvelles (ex-Institut français du pétrole). Le procédé consiste à faire réagir le méthane en réaction avec de la vapeur d’eau à très haute température (600°C minimum). Ce vaporeformage conduit à deux réactions chimiques (1) qui aboutissent en fin de cycle à la production d’hydrogène et de gaz carbonique. Le CO2 produit au cours de la réaction peut être éventuellement récupéré pour des applications dans différents domaines industriels ou même en aquaculture d’algues. Cette récupération du CO2 améliore le bilan carbone de l’opération mais occasionne un surcoût de l’installation.
Un démonstrateur
Le vaporeformage du biogaz peut offrir une alternative à la valorisation du biométhane dans les secteurs où l’injection au réseau de biogaz est impossible. Cependant le déploiement commercial de cette technologie semble encore balbutiant. Le groupe Veolia est engagé dans cette voie pour valoriser le biogaz de sa station d’épuration de Hyères (métropole Toulon Provence Méditerranée), avec la mise à l’essai d’un démonstrateur capable de produire 10 kilos d’hydrogène par jour. Ce démonstrateur appartient à Trifyl, le syndicat mixte tarnais de valorisation des déchets ménagers et assimilés, qui le loue à Veolia.
Même si le vaporeformage à partir d’énergie fossile est une technologie éprouvée, son transfert dans des unités de biométhane nécessite des ajustements technologiques, notamment la mise à l’échelle pour des unités plus petites. Le modèle économique est également à construire.
Bataille technologique
D’autres procédés de production d’hydrogène à partir de biogaz existent. L’éléctrolyse de l’eau nécessite de l’électricité et pourrait s’appliquer via la cogénération d’électricité et de chaleur à partir du biogaz. La technologie de pyrolyse du méthane semble prometteuse également. La société française Sakowin a développé en ce sens un procédé innovant au plasma censé être peu énergivore. L’avantage de cette technologie en agriculture serait de séparer le carbone sous une forme solide, le « noir de carbone », ayant une haute valeur agronomique pour les sols. Les besoins en énergie seraient également contenus. La société annonce une mise sur le marché pour 2025. La bataille technologique et commerciale pour produire de l’hydrogène fermier est enclenchée.
(1) H2O + CH4 → CO + 3 H2 puis CO + H2O → CO2 + H2