Entretien
Une centrale photovoltaïque financée par les citoyens
L’un des premiers parcs photovoltaïques citoyens a vu le jour à Luc-sur-Aude, dans le piémont pyrénéen. Inauguré en juin 2018, il appartient intégralement à des habitants de la commune, ainsi qu’à des personnes résidant à l’extérieur. Explications avec Jean-Claude Pons, maire de Luc-sur-Aude et instigateur du projet.
Dans quel cadre est né le projet citoyen ?
Au début des années 2010, notre commune avait été sollicitée par des développeurs intéressés par le site sur lequel est aujourd’hui installée la centrale. Il s’agit en effet d’une garrigue impropre à l’agriculture et exposée plein sud. À l’époque, nous n’avons pas donné suite, car nous souhaitions agir par nous-mêmes. Finalement, l’ex-Région Languedoc-Roussillon a lancé, en 2014, un appel à manifestation d’intérêt pour l’installation de parcs photovoltaïques. Elle s’engageait à cofinancer les projets (1 € d’aide pour 1 € investi), à condition que les investissements initiaux soient portés par des citoyens. Nous avons décidé de candidater et notre projet a été parmi les premiers retenus.
Comment les habitants ont-ils réagi ?
Le projet s’inscrit dans le cadre du plan climat-énergie territorial (PCET) signé en 2013 par la communauté de communes du pays de Couiza. Nous l’avons lancé autour de trois principes. D’abord, le parc devait appartenir aux habitants volontaires de la commune. En outre, il devait être non spéculatif, c’est-à-dire dimensionné aux besoins des habitants en électricité, hors chauffage. Enfin, il ne fallait pas que le parc devienne une source de conflit. Le projet devait donc être bien accepté et intégré au paysage. Nous avons créé l’association 1,2,3 Soleil fin 2014 afin de lancer les réunions publiques et de démarrer le montage du projet. Les habitants ont réagi très positivement à l’idée d’un parc citoyen, d’autant plus qu’il s’agissait d’une initiative à laquelle ils pouvaient participer, quelles que soient leurs capacités financières.
Le montage a-t-il subi des ralentissements ?
En 2016, nous avons dissous l’association et fondé la SAS 1,2,3 Soleil avec l’aide d’un cabinet juridique. Cela nous a permis de collecter les fonds citoyens via la plateforme Enerfip. Au total, la société de projet compte 284 actionnaires, dont un quart d’habitants de la commune. La levée de fonds a d’ailleurs été si rapide que la commune n’a finalement pas eu besoin d’être actionnaire. Les montants investis, eux, varient entre 100 € et 30 000 €. Ils permettent de couvrir le budget de 340 000 €, la Région ayant quant à elle apporté une aide de 100 000 €. Nous n’avons rencontré aucun problème pendant le montage. Néanmoins, il nous a fallu patienter quatre ans avant de pouvoir installer le parc. Les coûts de raccordement demandés par Enedis représentaient quasiment sa valeur totale et nous avons dû trouver une solution technique.
Quel est le modèle économique ?
Le parc affiche une puissance de 250 kW et produit 320 000 kWh par an, mais en 2018, il n’était pas encore possible, juridiquement, d’opter pour le modèle de l’autoconsommation. 100 % de l’électricité produite est donc vendue à Enercoop. Les bénéfices réalisés par la SAS sont redistribués aux actionnaires au prorata de leur investissement. Concernant le fonctionnement et l’organisation citoyenne, nous passons par la SAS et des assemblées générales. Un conseil d’administration s’occupe quant à lui du suivi au quotidien (dépenses, entretien, etc.).
Le projet a-t-il apporté d’autres bénéfices localement ?
Les petits travaux de maçonnerie et la pose d’une clôture ont été réalisés par une entreprise du village, mais l’installation du parc a été prise en charge par une entreprise extérieure, suite à un appel d’offres. Toutefois, le projet a créé du lien social et sensibilisé les citoyens sur la transition énergétique, notamment pendant les réunions publiques et la levée de fonds. Certaines familles n’ont participé qu’à titre symbolique, d’autres se sont engagées davantage, mais tous les citoyens adhéraient à l’idée d’une production d’électricité maîtrisée à l’échelle de la commune. Depuis, nous avons d’ailleurs lancé une réflexion autour d’un nouveau projet photovoltaïque, cette fois-ci en autoconsommation.