Le tour de la question
Un méthaniseur nourri aux Cive en Côte-d’Or
Trois coopératives réunies dans Alliance BFC pilotent le projet Sécalia, un méthaniseur qui sera alimenté par 180 000 tonnes de cultures intermédiaires à vocation énergétique. Quel est l’intérêt de ces cultures ?
Le chantier de Sécalia a démarré en août 2022 à Cérilly, en Côte-d’Or. Un premier digesteur est sorti de terre sur les cinq programmés. Ce méthaniseur porté par Alliance BFC – une fédération de trois coopératives agricoles dont Dijon céréales – devrait être mis en service en février 2024.
Un méthaniseur de grande taille
Sécalia a été dimensionné pour produire 230 000 MWh de biométhane par an, à partir d’un volume annuel de 180 000 tonnes de cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) fournies par 150 agriculteurs partenaires du projet. Ces chiffres le placent dans la catégorie des méthaniseurs de grande taille, mais en font aussi la cible de citoyens opposés au projet. Entre autres griefs, ceux-ci dénoncent « la production de Cive (ici le seigle fourrager) à grande échelle, qui, dans un contexte d’aléas climatiques, nuira aux productions principales à vocation alimentaire, semées en mai ». Une crainte qui n’est pourtant pas justifiée (voir ci-dessous).
De son côté, Dijon céréales explique son choix des Cive pour alimenter les digesteurs de Sécalia. La coopérative cherche un nouveau modèle agricole pour faire face au recul significatif de la culture du colza, traditionnelle en Côte-d’Or. « En plus des effets du réchauffement climatique, il se fait ravager par des insectes résistants aux produits phytosanitaires encore autorisés », explique Laurent Druot, chargé de développement énergies renouvelables à Dijon céréales. Il rappelle aussi qu’il s’agit de sols à potentiel peu élevé : leur capacité de stockage de l’eau est faible et les rendements, par exemple de blé à l’hectare, sont inférieurs à la moyenne nationale.
Pas de concurrence aux cultures alimentaires
Laurent Druot assure aussi que « les Cive ne viennent pas en concurrence avec les cultures alimentaires ». D’une part, elles viennent remplacer d’autres cultures intermédiaires, les cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan), présentes de septembre à janvier. D’autre part, elles seront « semées en septembre et récoltées en mai. L’agriculteur pourra ensuite repartir sur une culture alimentaire principale de type tournesol, soja, etc. semée en mai et récoltée à l’automne », explique-t-il. De plus, les parcelles feront l’objet de rotations. Les Cive y seront cultivées environ une année sur trois, laissant la place à du blé, de l’orge voire du colza les autres années. Par ailleurs, les agriculteurs ne sèmeront pas le seigle fourrager devant alimenter les méthaniseurs sur toutes leurs parcelles la même année. Les 5 000 hectares plantés en Cive seront répartis entre toutes les exploitations.
Les Cive seraient également plus résilientes face au changement climatique. « Il n’y a pas d’irrigation dans le Châtillonnais. Le seigle fourrager est une plante très robuste, relativement tolérante à la sécheresse et au gel, avec un pouvoir couvrant rapide, et qui étouffe les mauvaises herbes. Elle sera récoltée avant les coups de chaud de mai-juin », souligne Laurent Druot. À ces critères s’ajoute le potentiel méthanogène* du seigle fourrager, évalué à plus de 300 m3 de gaz par tonne de matière sèche (celle-ci représentant 28 % de la matière brute). Quant au digestat issu de la méthanisation, il sera vendu aux agriculteurs partenaires du projet à un prix fixe sur quinze ans.
* Quantité maximale de méthane pouvant être produite par un intrant.
Les porteurs du projet
Sécalia est porté par Alliance BFC qui réunit trois coopératives (Dijon céréales, Bourgogne du Sud et Terre comtoise). 150 agriculteurs adhérents à Dijon céréales sont impliqués dans l’aventure et ont aussi des parts de la société de projet Sécalia.
Le constructeur de l’installation est Nature Energy, une société danoise rachetée à 100 % par la compagnie pétrolière Shell fin 2022. Nature Energy est l’un des actionnaires de la SAS Sécalia.
Le biométhane produit sera injecté dans le réseau de gaz et vendu pendant quinze ans dans le cadre d’un contrat d’obligation d’achat signé en 2020. La production de biométhane, estimée à 230 000 MWh par an, sera achetée par Nature Energy, qui agit aussi en tant que fournisseur de gaz. Le tarif, fixé par l’État, est d’environ 90 cts/kWh. Le fournisseur reçoit de l’État une compensation correspondant à la différence avec le prix du gaz sur le marché.