Retour d'expérience

Systèmes solaires thermiques innovants pour le secteur agricole

Le Français Fengtech propose des systèmes solaires thermiques brevetés qui associent des capteurs à tubes sous vide à des chauffe-eau thermosiphons à stratification. Plusieurs sont en fonctionnement dans des exploitations agricoles. Le point sur la technologie, avec les retours d’expérience de deux clients.

PAR GéRALDINE HOUOT - OCTOBRE 2022
Au Gaec du Fan, en Mayenne, les capteurs ne sont pas installés au sol, comme c’est le cas le plus souvent, mais sur le toit d’une stabulation exposé plein sud. ©DR

Créée en 2010, l’entreprise Fengtech, installée en Mayenne, propose un système original de production d’eau chaude solaire pour les exploitations agricoles et les industriels. L’idée est de faire circuler de l’eau (du réseau ou autre) dans des capteurs à tubes sous vide inclinés à 45 degrés, et de la stocker une fois chauffée par le soleil dans des ballons thermosiphons à stratification installés juste au-dessus et reliés entre eux. « Les capteurs sont posés sur une surface peinte en blanc. Ils captent ainsi à la fois la lumière directe, diffuse et réfléchie, ce qui leur permet d’être très efficaces, y compris l’hiver. Au fur et à mesure que l’eau chauffe dans les tubes sous vide, elle devient moins dense. Elle remonte alors vers la partie supérieure des ballons où un tuyau lui permet de s’échapper pour alimenter le bas du ballon voisin. Là, elle gagne en température grâce au capteur suivant. Et ainsi de suite. Elle peut ainsi monter jusqu’à 100 degrés dans les derniers ballons de stockage par temps lumineux », détaille Liqun Feng, fondateur de l’entreprise qui a déposé six brevets sur sa technologie.

Un fonctionnement simple

Deux modèles sont proposés (voir les schémas ETF et ETF2). Dans le système ETF, l’eau des derniers ballons de stockage est vidangée vers le chauffe-eau d’appoint lorsqu’il y a un appel de besoin grâce à une pompe électrique. Dans le système ETF2, adapté à des usages tels que le chauffage ou l’eau chaude sanitaire, l’eau du réseau circule sous pression à travers les différents ballons dans un serpentin. Elle est chauffée “au bain-marie” par l’eau de stockage puis rejoint le chauffe-eau d’appoint. Dans ce cas, il n’y a pas de pompe. Pour éviter de dépasser les 100 degrés lorsque la consommation n’est pas suffisante, chaque ballon possède une soupape qui permet d’évacuer pression et chaleur en surplus. Fengtech propose également depuis 2018 un couplage avec un système de dissipation et de stockage de l’énergie dans le sol. Quant au gel, l’entreprise assure qu’il ne pose pas de problème : les ballons sont isolés et les capteurs sous vide supportent des températures de -20 degrés pendant sept jours sans lumière, selon les tests de l’entreprise.

Une cinquantaine d’installations

Chaque ballon thermosiphon faisant 300 litres environ, la capacité de stockage peut être importante, ce qui permet à l’entreprise de s’adresser à un vaste marché professionnel. Fengtech a actuellement à son actif une cinquantaine d’installations dans des exploitations agricoles (vaches laitières, veaux de boucherie, porcheries et serres agricoles). Il y a deux ans, l’entreprise a été sélectionnée dans la catégorie “solaire thermique de nouvelle génération” pour faire partie du projet européen Icare4farms qui vise à favoriser l’utilisation de l’énergie solaire thermique dans le secteur agricole dans le nord-ouest de l’Union européenne. Elle a, dans ce cadre, lancé une démarche de certification ETV (Vérification de technologie environnementale). Le projet Icare4farms devrait aboutir au développement de 21 installations de Fengtech dans le nord-ouest de l’Union européenne d’ici à 2023. Ils intégreront tous le système de dissipation et de stockage de l’énergie dans le sol que l’entreprise souhaite désormais promouvoir. Quatre installations seront instrumentées afin de tester les économies d’énergie réalisées et d’optimiser les dimensionnements. Une installation est déjà en service, en France, dans la Sarthe. Pour l’instant, les installations de l’entreprise ne peuvent pas bénéficier des aides de l’Ademe. En effet, les matériels commercialisés par Fengtech ne sont pas certifiés (Solarkeymark ou autre). Or ces certifications, qui évaluent la performance des équipements sur la base de normes d’essais standardisés, ainsi que la maîtrise dans le temps de la qualité et de la reproductibilité des processus de production, sont indispensables pour bénéficier des aides publiques. En effet, les matériels commercialisés par Fengtech ne sont pas certifiés (Solarkeymark ou autre). Or ces certifications, qui évaluent la performance des équipements sur la base de normes d’essais standardisés, ainsi que la maîtrise dans le temps de la qualité et de la reproductibilité des processus de production, sont indispensables pour bénéficier des aides publiques.

Grez-en-Bouère, en Mayenne : petite installation en service depuis sept ans

Le Gaec du Fan possède 65 vaches laitières. Ses besoins en eau chaude, à 70 degrés, s’élèvent à environ 150 litres pour le lavage du tank à lait tous les trois jours et 100 litres matin et soir pour le lavage de la salle de traite. Jusqu’en 2018, l’exploitation avait en outre des besoins en eau chaude pour l’alimentation des veaux désormais nourris sous leur mère.
En 2015, les trois associés du Gaec ont investi dans trois unités Fengtech ETF équipées chacune d’un ballon de 200 litres (volume proposé à l’époque), l’appoint se faisant à l’électricité dans un chauffe-eau de 300 litres. « Nous souhaitions passer à un système plus écologique et plus économique. Le retour que nous avions sur l’efficacité des panneaux solaires plans classiques n’étant pas idéal, nous avons fait des recherches. La simplicité et l’absence de maintenance des systèmes Fengtech nous ont séduits », raconte Quentin Perthué, l’un des deux associés actuels. Pour avoir une réduction de prix, le Gaec a investi en partie dans du matériel d’exposition. L’ensemble a ainsi coûté 8 000 euros TTC. Les capteurs ne sont pas installés au sol, comme c’est le cas le plus souvent, mais sur le toit d’une stabulation, exposé plein sud. Ils sont alimentés par le réseau d’eau de la ferme (puits de surface). L’éleveur constate que l’eau chauffe à environ 40 degrés quand le temps est nuageux et à 100 degrés quand il est plus ensoleillé. Elle descend rarement en dessous de 20 degrés dans les ballons. L’installation a ainsi passé sans encombre des hivers à -10 degrés. « Les études prévoyaient un gain d’environ 1 000 euros par an. Nous étions plutôt autour de 700 euros d’économie les premières années et un peu moins maintenant que nos veaux sont élevés sous la mère. Mais c’est un investissement sur le long terme. Depuis 2015, nous avons seulement changé des joints qui s’étaient abîmés sur les éléments de démonstration. Un technicien est venu également pour un réglage électronique. Mais il n’y a pas eu d’autre maintenance », témoigne Quentin Perthué.

Saint-Saturnin-du-Limet, en Mayenne : installation instrumentée pendant un an

Pour préparer l’alimentation de ses 800 veaux de boucherie, Philippe Després a besoin d’eau chaude à 80 degrés dans des quantités variables chaque année en fonction de l’âge des veaux. Il a investi en janvier 2018 dans 24 unités Fengtech ETF équipées de ballons de stockage de 300 litres. Le tout est posé au sol sur une dalle béton et a coûté 62 000 euros HT dont 4 000 euros de dalle béton. L’appoint se fait au gaz propane dans deux cuves de stockage de 2 800 litres. Son installation a été instrumentée de juin 2019 à mai 2020 par le bureau d’études Alliance Soleil pour le compte de l’Ademe dans une perspective d’intégration au Fonds chaleur. Cette année-là, la consommation a été en moyenne de 4 250 litres d’eau par jour, soit des besoins de chaleur de 114 559 kWh par an. Selon les relevés d’Alliance solaire, l’énergie solaire utile a été de 50 012 kWh par an, soit 688 kWh/m² entrée capteur par an. Le taux de couverture des besoins a été ainsi de 43 % cette année-là. « Il varie beaucoup d’une année sur l’autre en fonction de la saison à laquelle arrivent les veaux. En moyenne, on est, je pense, à 55 % de réduction des consommations de gaz », précise Philippe Després. L’étude réalisée par Alliance Soleil conclut que « ces installations solaires sont simples, performantes et plutôt bien adaptées à un élevage de veaux. Les prix pratiqués sur ce type d’installations sont trop élevés, dans notre cas 852 € HT/m² entrée, ce qui rend l’installation peu économique hors aides financières. »

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