Stratégie
Sous-produits viticoles : quid de la méthanisation ?
Depuis 2014, la réglementation autorise le traitement de lies et marcs de raisin dans des unités de méthanisation agricole en codigestion. Celle-ci existait déjà après distillation pour les lies dans des unités dédiées. Dans les faits, la méthanisation dans des unités agricoles ou territoriales sur marcs frais est aujourd’hui peu pratiquée. Explications.
Avant 2014, les viticulteurs français devaient évacuer leurs sous-produits viticoles vers des unités de distillation agréées. Certaines, ensuite, procèdent à des traitements de valorisation par épandage ou compostage. Depuis le décret d’août de cette année-là, applicable à partir de la campagne de 2015, ils ont toujours cette possibilité, mais aussi celle de valoriser directement les lies et marcs de raisin via la méthanisation agricole individuelle ou collective. « Pour cela, les viticulteurs doivent d’abord prouver l’absence de surpressage des marcs et analyser les taux d’alcool, explique Céline Laboubée, chargée de méthanisation chez Solagro. Dans les faits, peu le pratiquent, déjà parce que beaucoup avaient leurs débouchés avec les distilleries, mais aussi parce qu’on est là sur des matières peu méthanogènes – 45 Nm3 CH4/t de matière brute pour du raisin épuisé –, qui demandent un suivi analytique spécifique et dont l’incorporation dans le digesteur est limitée à 10 % du tonnage méthanisé si l’on ne veut pas que cela perturbe l’activité des bactéries méthanogènes. »
> La méthanisation après distillation, l’exemple de Revico
En Charente, Revico traite les sous-produits du cognac – les vinasses – depuis la fin des années 60 et les valorise en biogaz depuis les années 80. « Nous recevons, dix mois sur l’année, entre 3 et 6 millions d’hectolitres de vinasses des distilleries aux alentours – et aussi celles de notre colonne distillatrice de lies –, que nous transformons, via la cogénération, en 8 millions de kWh d’électricité par an », présente Nicolas Pouillaude, dirigeant de Revico. La technique consiste, dans une enceinte maintenue à 37°C et en l’absence d’oxygène, à dégrader les constituants organiques présents dans les vinasses – préalablement concentrées –, pour les transformer en biogaz. En amont de la méthanisation, l’entreprise extrait l’acide tartrique contenu dans les vinasses. « Le potentiel méthanogène est effectivement faible, d’où l’importance de la concentration », explique le dirigeant de Revico. En aval du processus, un traitement aérobie est réalisé pour permettre l’abattement du résiduel de pollution. « Notre modèle économique fonctionne parce qu’une contribution financière est apportée par le distillateur. Cela permet d’investir dans de nouveaux équipements pour parfaire les traitements, améliorer le process, etc. »
> La méthanisation sur marcs frais, l’exemple d’Agrivalor
Dans le Haut-Rhin, il y a vingt ans, 5 agriculteurs se sont associés pour trouver des solutions de valorisation des déchets organiques. « L’activité a commencé par le compostage des déchets verts, notamment des collectivités, puis nous nous sommes tournés vers la méthanisation au début des années 2000 », précise Philippe Meinrad, l’un des agriculteurs et gérant d’Agrivalor. L’unité valorise aujourd’hui diverses matières premières : lisier bovin, petit lait, marcs de raisins frais, déchets alimentaires des collectivités environnantes et coproduits du végétal. « Les marcs représentent 10 % de l’apport total de matières – qui représente en tout 36 000 tonnes par an pour une production finale de 17 000 MWh d’électricité par an et de 15 000 MWh de chaleur. Le potentiel méthanogène est assez moyen, mais l’idée était pour nous d’éviter l’implantation de cultures intermédiaires pour compléter l’apport, puisque cela ne correspond pas à notre territoire aux étés trop secs. » Les viticulteurs voisins, voulant s’inscrire dans un projet de territoire, cherchaient aussi une alternative à la distillerie. « Il a fallu néanmoins lever quelques contraintes techniques, principalement pour extraire les nombreux pépins, grâce à une machine, avant l’entrée en digesteur. L’apport uniquement à certains mois de l’année ne pose pas de souci : les marcs sont stockés en silo et utilisés au fur et à mesure. »