Entretien

« Si les oiseaux disparaissent, ce n’est pas à cause des panneaux solaires »

Maire écologiste de Luc-sur-Aude depuis 2008, vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) dans l’Aude, Jean-Claude Pons défend la légitimité des centrales solaires au sol en milieux naturels. En novembre 2024, il a adressé une lettre de protestation à la députée de la Drôme, Marie Pochon, qui avait signé une tribune demandant un arrêt du déploiement de centrales photovoltaïques dans ces zones.

PAR CAROLE RAP - MARS 2025
Jean-Claude Pons, maire de Luc-sur-Aude et vice-président de l’AMRF. 

Pourquoi avoir envoyé votre courrier à une députée écologiste et pas aux autres signataires de la tribune parue dans le journal Libération* ?

Jean-Claude Pons : Opposer biodiversité et énergies renouvelables m’a paru ridicule, surtout de la part de députés supposés sensibilisés aux enjeux de décarbonation et de transition énergétique. Cela revient à créer une guerre entre personnes engagées pour la défense de l’environnement. Les signataires écrivent que « l’industrie du photovoltaïque projette de détruire plus de 150 000 hectares d’espaces naturels d’ici 2050 ». C’est faux. On peut installer une partie du solaire ailleurs que dans des zones naturelles. Par exemple, 18 % des ménages agricoles ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Au nom de quoi les priverait-on d’un revenu complémentaire par l’utilisation du photovoltaïque sur l’espace rural ?

Par ailleurs, je rappelle qu’en France, 800 000 hectares sont consacrés à la production de biocarburants, une agriculture intensive soutenue par des subventions et utilisant beaucoup d’intrants. Pourquoi s’attaquer à des infrastructures d’intérêt général sans s’attaquer à tout ce qui porte bien plus atteinte à la biodiversité ? L’artificialisation des sols et l’utilisation de pesticides et d’agents phytosanitaires à grande échelle détruisent et empoisonnent les milieux. L’effondrement des insectes a pour conséquence celui des oiseaux. Dans les années 1980, quand je faisais un labour, une trentaine de bergeronnettes arrivaient pour picorer des insectes. Maintenant, j’en vois à peine une paire. Si tous ces oiseaux ont disparu, ce n’est pas à cause des panneaux solaires.

Selon les signataires, « le potentiel des zones anthropisées (toitures, ombrières…) est suffisant pour satisfaire les besoins »…

J.-C. P. : Non, il ne l’est pas. J’ai participé à l’élaboration du plan Climat Air Énergie territorial (PCAET) de la communauté de communes du Limouxin [dans l’Aude, ndlr]. Pour installer du photovoltaïque sur toiture, on se heurte soit aux contraintes des architectes des bâtiments de France (ABF) – car de nombreux villages ont des monuments historiques –, soit aux caractéristiques techniques de charpentes anciennes, qui n’ont pas été conçues pour recevoir du poids supplémentaire.

Vous vous insurgez aussi contre l’affirmation selon laquelle « les communes, pour beaucoup financièrement exsangues, sont des proies faciles pour ces marchands de soleil ».

J.-C. P. : Cette assertion est un lieu commun qui ne correspond pas à la réalité. Certes, les communes rurales ont de petits budgets et des ressources limitées, mais cela ne veut pas dire que tous les élus sautent sur l’opportunité d’avoir des éoliennes ou des centrales solaires. De plus, avec la loi Aper [loi d’accélération des énergies renouvelables, ndlr], il est maintenant nécessaire de consulter nos populations, puis de délibérer en conseil municipal pour définir les zones d’accélération des énergies renouvelables. En tant qu’élu engagé au sein de l’AMRF et ayant participé au grand atelier des maires ruraux pour la transition écologique, c’était aussi notre position. Nous voulions ramener le débat au niveau des populations locales concernées.

Dans votre commune, vous avez deux centrales solaires au sol ?

J.-C. P. : En 2018, nous avons construit un parc photovoltaïque de 250 kW, financé à 100 % par les citoyens avec l’aide de l’ex-région Languedoc-Roussillon [désormais Région Occitanie, ndlr]. Il est situé à environ 500 m du village, sur un sol rocailleux sans valeur agronomique. C’était une ancienne zone de vignes cultivées au début du XXe siècle, avec des reboisements spontanés en pins, sachant que sous les aiguilles de pin, pas grand-chose ne pousse. Depuis, des oiseaux nicheurs sont venus s’y installer. Ils y trouvent de la tranquillité, car l’espace est clos et donc inaccessible aux hordes de sangliers qui parcourent en permanence les milieux naturels et déracinent la végétation.

Juste derrière, sur le même type de milieu assez pauvre, il y a une centrale de 3 MW sur 3 hectares, portée par Générale du solaire. La commune perçoit 6 000 € par an au titre de la location des terrains et des miettes de l’Ifer (imposition forfaitaire des entreprises de réseaux). Nous avons également délibéré pour une surface supplémentaire de 14 hectares dans le cadre des zones d’accélération de la loi Aper. En tant que maires, nous devons concilier la protection de la nature et l’injonction à produire. Dire qu’il faut arrêter le photovoltaïque dans les zones naturelles car ce serait mauvais pour la biodiversité est un faux débat.

* « Pour un arrêt du déploiement de centrales photovoltaïques en milieux naturels », tribune parue dans Libération le 5 novembre 2024.

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