Décryptage
Projets citoyens : réduire le risque
Dans le cadre des projets citoyens, les acteurs locaux ont intérêt à investir pour lever les risques pendant la phase de développement, au même titre que leurs partenaires privés. Pour cela, des structures telles qu’Énergie partagée leur proposent des formations, ainsi que des outils leur permettant de se protéger du risque financier tout en maîtrisant la gouvernance.
Pendant la phase de développement des projets d’énergie renouvelable, il est nécessaire de lever un certain nombre de risques avant d’obtenir les autorisations auprès des services de l’État et d’accéder à des emprunts bancaires pour la phase de construction. Ces risques sont d’ordre technique (raccordement au réseau, foncier, urbanisme, impact environnemental du projet, permis de construire, etc.), économique (productible suffisant, tarif de vente sécurisé, etc.) et social (appropriation locale du projet). Jusqu’à maintenant, cette phase, dite de « dérisquage », était assurée par un unique opérateur, le plus souvent privé et extérieur au territoire, qui revendait plus tard le projet à un acteur financier recherchant un placement sécurisé et rentable. Depuis la montée en puissance des projets citoyens et des partenariats public/privé, cette phase peut être de plus en plus assurée par des acteurs locaux – collectivités territoriales, syndicats d’énergie ou groupements citoyens –, dans le cadre d’un codéveloppement. « Il s’agit d’une nouvelle façon de faire dans le domaine de l’énergie renouvelable industrielle. L’idée consiste à développer un projet à plusieurs avec des acteurs locaux, à s’entendre sur la répartition des tâches et la place de chacun aujourd’hui et demain, mais aussi à organiser l’entrée/sortie des actionnaires en privilégiant les investisseurs locaux. Le codéveloppement permet ainsi de maximiser les retombées économiques pour le territoire, d’accélérer le développement des projets, tout en réduisant l’exposition financière au risque des acteurs locaux. Cela nécessite des ressources dédiées à la coopération et à l’organisation d’un tour de table sur-mesure pour la question du financement du projet », explique Arno Foulon, animateur du réseau national Énergie partagée.
Former et protéger les acteurs locaux
Reste que cette nouvelle forme de coopération est complexe. Certains opérateurs privés et publics acceptent de jouer le jeu car les acteurs locaux sont les mieux placés pour lever certains risques (acceptation et obtention des autorisations par exemple), mais ils attendent de leur part de l’efficacité. C’est la raison pour laquelle le mouvement Énergie partagée forme ceux-ci à ces types de partenariats via la mise à disposition de méthodes, de retours d’expérience et de transfert de compétences. En outre, Énergie partagée leur propose une ingénierie et des outils afin de les protéger du risque financier. « Une fois “dérisqué”, un projet prend de la valeur. Il peut être intéressant d’investir à ce moment-là, mais la rentabilité sera moindre que pour un investissement porté quatre ou cinq ans plus tôt, lorsque beaucoup de risques pesaient sur le projet. En outre, c’est en phase de développement que se prennent les grandes décisions pour l’intégration du projet au territoire. Nous sommes convaincus que les acteurs locaux doivent s’engager le plus tôt possible pour avoir davantage la main sur le projet, en la jouant collectif et en s’entourant bien pour ne pas trop s’exposer aux risques financiers », précise Arno Foulon. L’écosystème des investisseurs publics et de l’économie sociale et solidaire s’est d’ailleurs fortement enrichi ces dernières années, à la fois de nouveaux acteurs (coopératives, sociétés d’économie mixte, etc.) et d’outils permettant d’investir à risque dans les projets d’énergie renouvelable. Énergie partagée a ainsi créé EnRciT, avec le soutien de l’Ademe et d’investisseurs. « Une caisse commune de 10 millions d’euros permet à EnRciT d’investir à risque aux côtés des citoyens et de collectivités qui souhaitent monter des projets d’énergie de taille industrielle. En cas de succès, EnRciT sort du projet et revend ses parts aux acteurs locaux avec une plus-value convenue avec eux. Dans le cas inverse, si le projet est abandonné, les investisseurs locaux n’ont rien à payer et ne subissent aucune perte financière », indique Arno Foulon.