Le tour de la question
Photovoltaïque, méthanisation : quelle(s) assurance(s) pour les installations agricoles ?
Que faut-il prendre en compte ? À quoi faut-il faire attention ? Entretien avec Pascal Alexis, courtier en assurances chez Alexis assurances, spécialisé en énergies renouvelables.
Un agriculteur veut se lancer dans un projet d’énergie renouvelable. Quand doit-il se poser la question de l’assurance ?
Le plus tôt possible, s’il ne veut pas se retrouver avec des éléments impossibles à assurer. Penser à l’assurance de ce type de projet est aussi important que se pencher sur les aspects techniques, juridiques… Je vous donne un exemple : un agriculteur installe une centrale photovoltaïque sur un bâtiment qui stocke du fumier, sans prévoir de système d’évacuation automatique des gaz. Cette configuration est inassurable car la question, là, n’est pas « va-t-il y avoir un incendie ? », mais « quand aura-t-il lieu ? ». Pire, ensuite, son banquier, qui fait régulièrement le point sur les obligations assurantielles, lui demande les documents d’assurance. Il n’en a pas alors même qu’il a signé une clause autorisant l’exigibilité anticipée des sommes prêtées en cas de non-souscription à une assurance. L’enchaînement est infernal : dépôt de bilan et faillite personnelle.
Pendant la phase de construction d’un projet photovoltaïque ou de méthanisation, à quoi faut-il faire attention ?
Dans les deux cas, ne pas hésiter à prendre la garantie “Tous risques chantier montage-essais” (TRCME). Pendant la phase de chantier, l’ouvrage appartient à l’entreprise qui le réalise. Donc l’agriculteur – le maître d’ouvrage (MO) –, ne pense pas toujours à la prendre. S’il y a un incendie les jours qui précèdent la réception – c’est souvent là, lors des essais, que des soucis peuvent se manifester –, l’entreprise devra refaire l’ouvrage. L’assureur de l’entreprise va alors rembourser, mais en se basant sur le prix de revient, pas sur le prix d’achat, ce qui n’arrivera pas si le MO a souscrit à la TRCME.
Qu’en est-il de l’option « perte de recettes anticipées » ?
Dans un cas comme celui présenté précédemment, cette option permettra à l’agriculteur d’honorer ses échéances auprès de la banque, en attendant que l’installation soit reconstruite, et ainsi ne pas être en faillite.
Ces cas sont-ils courants ?
Plus qu’on ne le pense. On en parle peu, mais c’est la réalité. On voit des agriculteurs qui signent des cautions personnelles auprès des banquiers et qui perdent tout après un souci de ce type. D’où l’importance de se tourner vers des assureurs spécialisés, car l’enchevêtrement juridique de ces projets est très complexe.
En phase de construction, comme en phase d’exploitation, à quoi faut-il penser ?
Préférez une assurance « tous risques sauf » à une assurance multirisques. Sera ainsi listé tout ce qui ne sera pas couvert, c’est beaucoup plus lisible pour l’assuré. N’hésitez pas à discuter les exclusions et à faire attention aux mots employés. Souvent, les vices cachés sont exclus, ce qui est plutôt logique, mais qu’en est-il des conséquences de ces vices ? Si un condensateur mal installé (le vice caché) provoque un incendie (la conséquence) et que les dégâts de ce dernier ne sont pas indemnisés, ça risque d’être très compliqué pour l’agriculteur !
Vous arrive-t-il de ne pas assurer des projets qui ne vous conviennent pas ?
En phase de construction, pour le photovoltaïque, les débuts ont été compliqués à cause de certains professionnels peu compétents. Mais il y a maintenant davantage d’antériorité et le taux de sinistralité dans ce domaine a baissé par huit environ ces dernières années, même si parallèlement, les cotisations ont été divisées par dix ! Nous sommes très vigilants désormais quant aux projets de méthanisation. On regarde de près la qualité des bureaux techniques et des entreprises pour la réalisation qui ont été choisis. Beaucoup s’installent sans forcément maîtriser toutes les techniques très variées d’un tel projet, or chaque chantier demande une étude très personnalisée et différents savoirs (biologiques, mécaniques…). Parfois, en effet, on n’accepte pas un dossier qui ne nous paraît pas tenir la route, sur lequel on n’est pas confiants quant aux professionnels choisis.