Décryptage
Méthanisation : le prétraitement des Cive à la chaux
L’Inrae a mis en évidence l’avantage d’un prétraitement à la chaux des cultures intermédiaires à vocation énergétique pour augmenter leur potentiel de production de biogaz. Une voie intéressante pour rendre plus efficace le stockage des matières sèches et produire jusqu’à 15 % de biogaz supplémentaire.
Aujourd’hui, il existe peu de documentation scientifique concernant le stockage des intrants avant méthanisation. Celui-ci représente pourtant un enjeu important pour les cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive), récoltées une à deux fois par an et devant alimenter les méthaniseurs tout au long de l’année. Pendant cette période, des dégradations de la matière organique peuvent se produire. L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a décidé de se pencher sur la question via son Laboratoire de biotechnologies de l’environnement (LBE), dans le cadre d’une thèse cofinancée par GRDF. L’objectif consistait à étudier d’éventuelles alternatives au stockage par ensilage qui repose sur une fermentation lactique conduisant à des milieux acides et évitant les dégradations microbiennes. Les chercheurs ont ainsi démontré qu’un prétraitement à la chaux, appliqué pendant le stockage, peut entraîner, dans certaines conditions, une augmentation du potentiel méthanogène des matières lignocellulosiques telles que les Cive. Ces cultures sont en effet majoritairement composées de parois végétales dont les constituants sont difficiles à dégrader, ce qui limite l’accès aux composés utilisés par les micro-organismes pour produire le méthane. « Les lignocelluloses contiennent trois types de constituants : les hémicelluloses, la cellulose et la lignine. Or, la lignine rend plus difficile l’accès des micro-organismes aux sucres présents dans la cellulose et dans les hémicelluloses. Nous avons étudié comment un prétraitement permettrait de retirer la lignine, ou au moins de la déstructurer afin de faciliter l’accès des micro-organismes aux sucres des deux autres constituants. Nous savions que l’application d’un prétraitement alcalin, à base de soude ou de chaux, fonctionnait bien pour gagner du potentiel méthanogène sur des biomasses, mais nous nous sommes intéressés à la chaux pour prétraiter du tournesol et du seigle, car celle-ci est moins onéreuse et plus facilement compatible avec le retour au sol des digestats. La soude pose de son côté des problèmes de salinisation des sols », explique Clément Van Vlierberghe, doctorant au LBE et auteur de la thèse.
Temps de réaction
Pour que ce prétraitement soit efficace en conditions douces (température ambiante et sans agitation), il est nécessaire, selon les chercheurs, d’ajouter 100 g de chaux par kilo de matière sèche, mais aussi de mettre en place un temps de réaction de plusieurs mois. Les expérimentations ont ainsi permis de mesurer le gain en potentiel méthanogène des Cive à environ 15 %. « Avec des concentrations moindres de chaux, on n’arrivait pas à maintenir un PH suffisamment élevé pour avoir l’effet traitement à long terme. En augmentant la quantité de chaux, on a pu observer le phénomène de déstructuration de la lignine dans la durée. Néanmoins, il faut quand même mettre beaucoup de chaux et celle-ci coûte cher. À l’heure actuelle, une application dans ces conditions ne serait pas très viable, économiquement, mais également pour les méthaniseurs : si l’on ajoute beaucoup de chaux, des problèmes de précipitation peuvent survenir dans les réacteurs. Le concept fonctionne, mais il soulève encore des questions et il serait souhaitable de pouvoir réduire la dose de chaux », indique Clément Van Vlierberghe. Par ailleurs, si le procédé est efficace avec les Cive les plus mâtures (à forte teneur en matières sèches), il ne l’est pas avec les Cive plus humides. Il conduit à une succession de fermentations se traduisant par une baisse de 13 % de leur potentiel méthanogène. Pour les chercheurs, il est nécessaire de répéter l’expérience sur des matières sèches en laboratoire, puis de l’appliquer en conditions réelles dans un méthaniseur.
En savoir plus
Certains résultats de l’étude ont été publiés dans la revue Bioresource Technology et sont accessibles en ligne. Pour en savoir plus, vous pouvez également consulter le communiqué de l’Inrae.