Le tour de la question

Méthanisation à la ferme : assez de biomasse disponible ?

Pour les besoins de la méthanisation agricole, FranceAgriMer a étudié les gisements potentiels de ressources en biomasse fermentescible. Certains déficits régionaux pourraient survenir.

PAR AUDE FABRE - NOVEMBRE 2022
L’étude de FranceAgriMer a pour objectif d’estimer le taux d’utilisation de la biomasse agricole fermentescible par la méthanisation dans les cinq années à venir. ©FranceAgriMer

FranceAgriMer (établissement national des produits de l’agriculture et de la mer) a publié en septembre 2022 (et actualisé en octobre) une étude sur les ressources en biomasse pour la méthanisation agricole. Le but : estimer le taux d’utilisation de la biomasse agricole fermentescible par la méthanisation dans les cinq années à venir, et repérer les potentielles tensions sur la disponibilité des gisements. L’étude s’est appuyée sur les données de l’Observatoire national des ressources en biomasse pour estimer les besoins en intrants pour 1 065 méthaniseurs agricoles recensés en fonctionnement au 31 décembre 2021 et 840 projets, soit 1 905 installations à la ferme.
Globalement, des déficits de matières fermentescibles (pailles et pulpes de betteraves essentiellement) pourraient apparaître pour alimenter ces installations dans des régions d’élevage peu céréalières (Auvergne-Rhône-Alpes) et dans des régions céréalières avec peu d’élevage (Île-de-France). Ces déficits seraient comblés par des échanges interrégionaux de matières à court terme. À plus long terme, d’ici à 2050, l’étude montre qu’une concurrence avec les besoins de l’élevage est à prévoir (en pailles et pulpes de betteraves notamment). « Un arbitrage national sur l’usage de la biomasse fermentescible pourra devenir nécessaire pour fixer les objectifs de production de biométhane par la méthanisation », note FranceAgriMer.

Tensions en approvisionnement local

Les effluents d’élevage (lisiers et fumiers bovins, porcins, ovins, caprins, équins et de volailles) représentent 55 % de la matière totale entrant dans les unités. Ils devraient rester majoritaires, sans problème de tension au niveau national. FranceAgriMer précise que des déficits de matière pourraient exister dans deux régions, l’Île-de-France et Paca, mais d’une part, ils seraient comblés par des flux interrégionaux, et d’autre part, une méthanisation sans élevage est en développement dans ces deux régions.

Concernant les résidus de grandes cultures (pailles et issues de silos) qui représentent 2 % des intrants en moyenne, des déficits structurels de matières dans les régions d’élevage peu céréalières, dus à une demande soutenue en pailles pour les litières sont à noter. À l’échelle nationale, en année de basse production céréalière (situation dont la fréquence peut augmenter au vu des épisodes de sécheresse printanière à répétition), une tension sur les pailles peut survenir entre méthanisation et litière.

Pour les coproduits des industries agroalimentaires (qui représentent 16,1 % de la matière totale entrant dans les unités agricoles), si le gisement semble conséquent, la disponibilité pourrait s’avérer insuffisante si l’alimentation animale reste le débouché prioritaire. Le rapport cite l’exemple des pulpes de betteraves aujourd’hui majoritairement utilisées pour l’alimentation animale (à 90 %). Or un site sucrier en Normandie prévoit de méthaniser une partie des pulpes qu’il génère afin d’améliorer son bilan carbone. Si les 21 sucreries françaises se lançaient également dans leur propre unité de méthanisation, le taux d’utilisation du gisement national des pulpes par la méthanisation atteindrait 62 % (en ajoutant les pulpes déjà utilisées par les unités agricoles). Le débouché alimentation animale devrait donc se contenter des 38 % restant, contre 90 % actuellement, ce qui créerait une forte concurrence sur cette biomasse.

Les Cive en question

Les cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) représentent aujourd’hui 13 % de la ration des unités agricoles. Pour combler les besoins de toutes les unités agricoles, 3 % des surfaces de grandes cultures devraient être occupées par des cultures intermédiaires (davantage dans les régions céréalières et moins dans les zones d’élevage). Mais le gisement tenant compte des limites agronomiques et environnementales (besoin en eau pour l’implantation des Cive, qualité du sol à préserver pour la culture principale…) reste à déterminer.

Les cultures principales dédiées (maïs fourrage et ensilage seulement dans l’étude) représentent 5,5 % de la ration d’intrants des méthaniseurs. Pour alimenter les 1 905 installations françaises, 5 % de la production nationale de maïs fourrage et ensilage devrait être utilisée. Un chiffre qui ne ferait pas concurrence à l’alimentation animale, usage premier de cette ressource. Néanmoins, ce pourcentage pourrait augmenter si les Cive n’absorbaient pas la montée en puissance de la méthanisation.

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