Le tour de la question
Les moulins vont-ils à nouveau produire de l’énergie ?
Dans le cadre de la transition énergétique, de nombreux villages envisagent la réhabilitation de leur moulin à eau, mais cette démarche se heurte à de fortes contraintes administratives.
Il existe en France des milliers de moulins à eau. Multicentenaires, ces ouvrages faisaient office de moteurs hydrauliques et certains ont même produit de l’électricité en utilisant l’écoulement gravitaire de l’eau. C’est la raison pour laquelle de plus en plus de communes réfléchissent à leur réhabilitation. En région Pays-de-la-Loire, le maire du Pallet et des associations se penchent sur le cas du moulin du Pré-du-Vignard. En service jusque dans les années 1970, celui-ci fournissait de l’électricité à une minoterie située à 800 m du site. « J’estime aberrant de ne pas exploiter cette énergie propre qui pourrait alimenter le site, mais également une centaine de maisons. Des études de faisabilité ont bien été menées en 2018, mais elles présentaient des coûts beaucoup trop élevés. Dans une commune voisine, un moulin a été réhabilité par son propriétaire pour 80 000 euros », explique Jean-Louis Métaireau, maire du Pallet. Réalisée cette fois par une entreprise spécialisée, Le Moulin Idéal, une nouvelle étude permettra au conseil municipal d’étudier les différentes options hydroélectriques et les budgets nécessaires. En matière de rénovation, les travaux consistent à installer un générateur et une turbine adaptée à la hauteur de chute. « Notre moulin a l’avantage d’être l’un des derniers sur la Sèvre nantaise, avant la Loire. À cet endroit, le débit est assez important car la rivière est renforcée par tous les cours d’eau situés en amont. Pour un projet de ce type, il faut compter environ sept ans avant d’atteindre la rentabilité », précise Jean-Louis Métaireau.
Moulins menacés de destruction
Outre l’investissement et bien que l’idée soit pertinente dans un contexte de transition énergétique, les élus et les propriétaires de moulins doivent néanmoins surmonter une complexité juridique et administrative. Pour réhabiliter le moulin du Pallet, la commune doit en effet commencer par rechercher son droit d’eau dans les archives du département. « Il s’agit d’un droit d’usage de l’eau particulier, exonéré de procédure d’autorisation ou de renouvellement. Ce droit d’usage tient son caractère “perpétuel” du fait qu’il a été délivré avant que ne soit instauré le principe d’autorisation des ouvrages sur les cours d’eau non domaniaux. Une fois ce droit retrouvé, nous serons plus confiants vis-à-vis de nos documents juridiques, mais nous devrons sans doute aller plus loin, car l’Établissement public territorial du bassin (ESTB) de la Sèvre nantaise, qui se dit propriétaire de la chaussée*, n’a pas remis la main sur l’acte de propriété. Ensuite, un dossier devra être constitué et remis à la Direction départementale des territoires et de la mer de la Loire-Atlantique », précise Jean-Luc Salvat, président de l’association Les Amis de la Sèvre nantaise et affluents. Et le temps presse, car une menace pèse sur les moulins à eau et les autres ouvrages hydrauliques. L’application de la directive-cadre européenne sur l’eau (loi Lema de 2006) a en effet introduit la notion de continuité écologique. Afin d’améliorer la qualité de l’eau et le passage des poissons migrateurs, l’ESTB de la Sèvre nantaise et l’Agence de l’eau envisagent ainsi un arasement ou la destruction de la chaussée à laquelle est relié le moulin du Pré-de-Vignard. Une surinterprétation de la loi, selon les associations de défense des moulins, qui mènent actuellement plusieurs actions en justice. En d’autres termes, seule la réhabilitation du moulin permettrait de sauvegarder ce patrimoine.
* « Une chaussée est un ouvrage hydraulique indissociable du moulin et de l’usine hydraulique, un artifice, une prise d’eau, submersible, établie dans le lit mineur de la rivière et orientant une partie du débit de la rivière par un canal vers les moteurs de celui-ci », selon la définition de la Fédération des moulins de France.