Stratégie
Les datacenters s’installent à la ferme
Déployer des méthaniseurs à la ferme pour alimenter les datacenters en électricité décarbonée et en froid, c’est le pari de Datafarm. En contrepartie, la start-up propose aux agriculteurs une source de revenus supplémentaire et la possibilité de valoriser la chaleur résiduelle de leurs installations.
Après deux ans de R&D, Stéphane Petitbon et ses associés, spécialisés dans l’hébergement de données, décident fin 2019 de créer la start-up Datafarm et de lancer une solution décarbonée. Leur idée consiste à proposer aux agriculteurs d’installer les datacenters dans leurs exploitations et d’utiliser l’énergie générée par les méthaniseurs pour fournir ceux-ci en électricité renouvelable. « Un datacenter requiert une énergie constante que seule la méthanisation est capable de fournir. L’autre intérêt réside dans la possibilité de valoriser la production de chaleur, une énergie qui était jusqu’à présent perdue, afin d’assurer le refroidissement de nos équipements. Il faut également savoir que nous avons besoin en France d’environ 35 000 m² de datacenters. Or le foncier est très cher en zone urbaine. Une installation à la ferme, à l’intérieur de bâtiments agricoles, est finalement plus simple à mettre en œuvre et moins coûteuse », explique Stéphane Petitbon, directeur général de Datafarm.
Une solution avantageuse et vertueuse
Dans une installation Datafarm, le gaz issu de la méthanisation (dégradation de déchets agricoles) est injecté dans un système de cogénération. Une turbine permet de produire environ 38 % d’électricité et 50 % de chaleur résiduelle. Les datacenters sont quant à eux installés sous la forme de modules de 40 m² pour plus de modularité. Chaque module possède son système de couloir d’air chaud et d’air froid pour un refroidissement optimal. Un circuit d’eau froide est également déployé sous le plancher des modules. Pour assurer la production du froid, Datafarm a déposé un brevet pour un sytème de refroidissement par trigénération dérivé des solutions industrielles (un système à absorption utilisé notamment dans le domaine de la métallurgie, ndlr). « Il s’agit d’un procédé chimique de refroidissement permettant d’aller jusqu’à la congélation à partir d’un régime d’eau haute température. Nous l’avons adapté à la méthanisation et aux datacenters, car ceux-ci nécessitent des températures spécifiques. En sortie, nous obtenons un régime de froid dont la température est comprise entre 8 et 12 °C. L’avantage, c’est que notre solution utilise peu d’électricité. Elle permet de mettre en place un système circulaire et autonome. » De son côté, la chaleur résiduelle (entre 40 et 45 °C) est revalorisée par l’agriculteur qui peut la ventiler (via un procédé mécanique) afin de chauffer ses bâtiments et ses installations ou de sécher son foin.
Deux principaux critères de sélection
Pour choisir ses partenaires, la start-up s’appuie essentiellement sur deux critères : la puissance disponible et la proximité d’un réseau fibre. « Une unité de méthanisation est intéressante à partir de 200 à 250 kW de puissance. Cela nous offre une visibilité sur deux à trois ans et la possibilité de compléter l’installation avec d’autres modules. En ce qui concerne les réseaux fibre, malgré la persistance de zones blanches, nous avons identifié suffisamment de territoires pour nous implanter. »
Sur les huit partenariats que l’entreprise a déjà signés avec des exploitations, deux projets sont en cours de finalisation (à Arzal, en Bretagne et à Saint-Omer, dans le Nord). Une troisième installation débutera également l’année prochaine, en Normandie. D’ici 2021, Datafarm espère d’ailleurs en compter bien davantage. Pour cela, l’entreprise préfère contacter directement les agriculteurs. « Ces derniers ont besoin d’autonomie économique et de résilience, mais nous discutons également avec des collectivités, et pour des installations plus importantes. Pour répondre aux obligations de la loi sur les biodéchets, la méthanisation reste le débouché le plus intéressant », conclut Stéphane Petitbon.
Quels revenus pour les agriculteurs ?
Datafarm propose des contrats renouvelables d’une durée de 15 ans aux agriculteurs possédant une unité de biométhanisation (avec une garantie d’achat de 5 ans). Outre la mise en place des datacenters et du réseau, c’est la start-up qui se charge de l’investissement : soit dans l’ensemble du système de trigénération (si l’agriculteur dispose d’une capacité de méthanisation supplémentaire), soit uniquement dans le groupe de refroidissement (si la cogénération est déjà à son maximum). Les revenus dépendent du nombre de modules installés sur l’exploitation (entre 700 et 1200 € annuel par m² de datacenter).