Stratégie
Les bioénergies agricoles séduisent de plus en plus les institutions
Un rapport de France Stratégie pointe le rôle essentiel que pourrait jouer la biomasse agricole dans la production d’énergie. Pour mettre en place une stratégie efficace en la matière, le rapport préconise néanmoins une meilleure quantification des gisements, davantage de cohérence entre les différentes politiques menées, mais également une évolution adéquate du système alimentaire.
En juillet dernier, France Stratégie a remis son rapport intitulé Biomasse agricole : quelles ressources pour quel potentiel énergétique ?, concernant les gisements de biomasse agricole disponibles en France (effluents d’élevage, résidus de culture, surplus d’herbes, etc.). Afin de les mesurer le plus précisément possible, France Stratégie s’est appuyé essentiellement sur des données de l’Observatoire de la biomasse et des données fournies par l’Ademe.
Un constat et deux scénarios
Premier enseignement : les informations de quantification existantes ne sont pas nombreuses et il existe un certain flou sur les données statistiques de certaines productions agricoles, notamment les résidus de culture ou d’agroforesterie. Un véritable frein pour la mise en œuvre d’une politique efficace de développement et de soutien à la biomasse.
En outre, France Stratégie a établi deux scénarios d’évolution pour l’utilisation des gisements à l’horizon 2050. « Le premier scénario table sur une évolution tendancielle, dans laquelle on maintient le système de production tel qu’il fonctionne actuellement. Dans le second scénario, on anticipe une trajectoire de développement allant vers plus d’agroécologie, avec des rotations de cultures plus longues, davantage de production bio, mais aussi davantage d’agroforesterie, par exemple en implantant des haies utilisées pour produire de la biomasse. Malgré les limites de ces modèles très simplistes, le second apparaît plus intéressant car la production de biomasse énergie est plus importante. Aujourd’hui, celle-ci représente environ 40 TWh (combustion, méthanisation, biocarburants, etc.). Toutefois, quel que soit le scénario, nous serons sans doute en deçà du potentiel de 250 TWh prévu par la stratégie nationale bas carbone, avec une production qui pourrait atteindre 120 TWh au maximum », explique Julien Fosse, directeur adjoint du département Développement durable et numérique de France Stratégie et co-auteur du rapport. Cette différence s’explique par des estimations qui ne tiennent pas compte de facteurs tels que le coût d’exploitation, le consentement des agriculteurs à céder une ressource ou encore l’évolution de la taxe carbone.
Un manque de vision globale
Pour maximiser la production de biomasse agricole et atteindre 120 TWh, le rapport recommande notamment d’optimiser les ressources méthanisables. Outre les surplus d’herbes (environ 13 % du potentiel) et les cultures intermédiaires (11,5 %), les effluents d’élevage constituent en effet le principal levier de production. Ils représentent actuellement 46 % du potentiel énergétique. « Il s’agit de l’un des gisements qui pourrait être le plus utilisé à terme et sur lequel nous avons le plus de marge de manœuvre. Concernant les autres ressources, en particulier les résidus de cultures (pailles, etc.), il est nécessaire de s’interroger sur leur utilisation. Malgré le fait que ceux-ci représentent 26 % du potentiel, une concurrence d’usage existe avec le retour de ces résidus à la terre pour des raisons agronomiques, la production de biocarburant, la production de produits biosourcés, etc. Sur certains des gisements identifiés, il faudra obtenir des consensus et rendre des arbitrages », précise Julien Fosse. Problème : beaucoup de politiques agricoles sont menées en silo, avec incohérence. « Nous allons avoir de gros besoins en biomasse agricole. D’un côté, on pousse la production d’énergie par méthanisation et d’un autre, on demande une augmentation des produits biosourcés. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre une transition agroécologique qui va jouer sur la structure des exploitations et sur les rendements. Pour cela, nous avons besoin d’une vision systémique et à long terme », ajoute Julien Fosse.
À ce titre, le rapport préconise également une articulation avec la production alimentaire dans le cadre d’une stratégie globale. « Il ne faut pas que la production d’énergie se fasse au détriment de la production alimentaire. En outre, le changement climatique doit être pris en compte. Par exemple, les rendements vont évoluer à terme et le retour à la terre des résidus pour maintenir le potentiel agronomique risque d’augmenter », conclut Julien Fosse.