Le tour de la question
Le rétrofit des véhicules lourds
Une filière pour équiper les poids lourds de piles à combustible est en cours de création avec la société e-Néo. Décryptage avec son directeur, Jérémy Cantin.
C’est acté. Depuis le 4 avril 2020 (publication au Journal officiel de l’art. 25 bis de la loi d’orientation des mobilités), il est autorisé d’électrifier un véhicule thermique de plus de cinq ans (et moins pour les deux et trois roues) pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Cette pratique est appelée rétrofit. Elle concerne les véhicules légers, mais également les véhicules spéciaux et les véhicules lourds.
Une nouvelle branche à développer
L’entreprise e-Néo s’en est fait une spécialité sous la houlette de son directeur, Jérémy Cantin, jeune entrepreneur et garagiste. « La loi sur le rétrofit est très récente. Avec elle, c’est une nouvelle branche de l’artisanat automobile basée sur l’économie circulaire qu’il faut construire, constate-t-il. Nous attendons l’homologation de nos premiers poids lourds rétrofit pour 2022 et nous démarrerons l’industrialisation du procédé en septembre sur l’ancien site Michelin de La-Roche-sur-Yon. Concrètement, pour les poids lourds, nous remplaçons le moteur thermique par un moteur électrique avec un pack batterie, une pile à combustible et des réservoirs d’hydrogène. La pile à combustible que nous ajoutons permet de recharger la batterie et d’accroître l’autonomie. Un camion de 44 t électrique a une autonomie tampon d’environ 100 km. Avec un plein additionnel de 40 kg d’hydrogène à 700 bars, l’autonomie passe à environ 400 km tout en restant à zéro émission de CO2. Notre solution est adaptée aujourd’hui pour les transports urbains et péri-urbains – où les enjeux de la qualité de l’air sont les plus importants. Avec la mise en place d’un écosystème de recharge en hydrogène sur les territoires, nous pourrons à terme viser des trajets régionaux ou inter-régionaux. »
Modèle économique
Pour convertir la flotte de poids lourds, la société e-Néo a construit un modèle économique adapté. « Nous reprenons des véhicules amortis de cinq ans ou plus, en fin de leasing par exemple, détaille Jérémy Cantin. Le véhicule est ensuite converti en électrique à batterie avec une pile à combustible pour environ cinq ans. À l’issue de cette durée, un entretien de la pile est nécessaire afin de poursuivre son cycle de vie. Nous pouvons aussi récupérer le dispositif pour le transférer à un autre véhicule du même type. Ce faisant nous prolongeons la durée de vie des flottes et améliorons le cycle de vie global. » E-Néo a développé différents kits de conversion adaptés de façon standard aux différentes gammes de poids des véhicules lourds. Un travail est ensuite fait pour adapter l’électronique et la cinématique à chaque modèle et à chaque marque. Des réflexions sont menées également pour envisager le rétrofit des véhicules agricoles. Les études portent actuellement essentiellement sur le calibrage des besoins. « Contrairement à certaines idées reçues, le besoin quotidien de puissance en traction dans les fermes n’est pas forcément très élevé, souligne le directeur d’e-Néo. Certains véhicules pourraient ainsi passer en électrique simple sans besoin du recours à une pile à combustible. »