Entretien

L’agrivoltaïsme face à la sécheresse dans les Pyrénées-Orientales

Quel peut être l’apport de l’agrivoltaïsme pour modérer les impacts de la sécheresse ? Réponse de Bruno Vila, président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles des Pyrénées-Orientales (FDSEA 66) et membre du conseil d’administration de la FNSEA, en charge du dossier photovoltaïque.

PAR CAROLE RAP - OCTOBRE 2024
Bruno Vila, président de la FDSEA 66 et membre du conseil d’administration de la FNSEA. Depuis 2007, il est président de la SAS Les Paysans de Rougeline, qui regroupe 192 familles de producteurs de fruits et légumes du sud de la France ©Rougeline

Comment se porte l’agrivoltaïsme dans les Pyrénées-Orientales ?

Les Pyrénées-Orientales connaissent une forte sécheresse depuis trois étés. La viticulture est dans un marasme total. Les vignes non irriguées périssent. Les rendements viticoles sont les plus faibles de France, entre -50 et -60 % sur 2024. Or la vigne était la culture la plus résiliente. L’agrivoltaïsme peut aider à la maintenir en réduisant l’évapotranspiration pendant les canicules. Il protège aussi de la luminosité. Le degré alcoolique a augmenté de 3 degrés en l’espace de vingt ans [le taux d’alcool dépend du taux de sucre qui dépend de l’ensoleillement, ndlr]. L’idée n’est pas d’installer des panneaux photovoltaïques partout où il y a des vignes.

Le retour d’expérience du domaine de Nidolères, où Sun’Agri teste des rangs de panneaux mobiles sur des trackers, est intéressant. La vigne se porte mieux que celle de la zone témoin. De plus, sous les panneaux, la terre se refroidit moins vite, ce qui est un effet positif sur le gel. Il y a aussi quelques vergers expérimentaux, par exemple des poiriers à côté de Thuir, avec les premières récoltes cette année. Là aussi les résultats sont positifs, avec une réduction de la consommation d’eau par rapport à un verger standard grâce à l’ombrage généré par les panneaux. Autre solution intéressante : développer du photovoltaïque flottant sur des réserves d’eau. Cela permet de contribuer au paiement de ce stockage et réduit l’évaporation de l’eau. Un projet est en cours dans le département. Enfin, l’agrivoltaïsme est adapté à l’élevage, qui souffre aussi de la sécheresse.

Des communes voudraient interdire l’agrivoltaïsme ?

Dans notre département, plusieurs communes refusent l’installation de centrales agrivoltaïques. C’est le cas de Tresserre où le conseil municipal a délibéré contre le photovoltaïque et l’agrivoltaïsme en zone agricole, de Trouillas où ils tentent de l’interdire au niveau du plan local d’urbanisme [le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable le 24 mai 2024, ndlr], de Montalba et d’Argelès où des interdictions figurent déjà au PLU en vigueur. Des opposants disent qu’il faut réserver les terres uniquement pour l’agriculture, alors que l’agrivoltaïsme favorise aussi la production agricole.

Et sur le plan esthétique et paysager, dans certaines zones il n’y a pas besoin d’avoir une préservation absolue du paysage. Par exemple quand il y a déjà une autoroute ou que l’endroit n’est pas très visible. Le problème de l’agrivoltaïsme est qu’il se voit plus que le photovoltaïque au sol, car les centrales sont souvent un peu plus hautes. De plus, à production d’électricité équivalente, elles occupent plus de surface car il y a moins de panneaux à l’hectare. Mais l’agriculture a besoin de participer à la production d’énergies renouvelables du pays et de répondre à la problématique des revenus des exploitations agricoles.

L’autoconsommation est-elle une perspective pour l’agrivoltaïsme ?

Jusqu’à présent, les centrales agrivoltaïques étaient des expérimentations, financées dans le cadre d’appels d’offres innovation de la CRE. Elles n’étaient pas basées sur des dispositifs en autoconsommation. Pour l’avenir, on peut envisager qu’une partie de la production soit autoconsommée par l’exploitation agricole et que la majeure partie soit revendue sur le réseau. L’agrivoltaïsme a du sens si vous déployez des panneaux solaires sur plusieurs hectares, soit plusieurs mégawatts, alors que les besoins d’une exploitation sont de quelques dizaines de kilowatts.

Et vous, vous êtes-vous lancé dans l’agrivoltaïsme ?

En tant que maraîcher et arboriculteur, nous avons des productions sous serre, et depuis dix ans, des serres photovoltaïques. Nous sommes en train de développer des projets agrivoltaïques en vigne, en arboriculture et en élevage. Nous faisons les projets nous-mêmes, car nous avons déjà une expertise. Nous travaillons avec des bureaux d’études qui définissent les cahiers des charges, puis nous lançons des appels d’offres avec les fournisseurs de panneaux. Ce n’est pas forcément transposable à tout le monde car il faut développer des compétences en interne autour de la production d’énergie.

Avec les chambres d’agriculture et les collectivités locales, il faut mettre en place des structures pour accompagner les agriculteurs qui veulent faire les projets eux-mêmes, les aider dans les démarches, par exemple faire des appels d’offres sur des projets collectifs pour négocier en commun l’achat de panneaux, et développer des solutions de financement de projets. Il faut aussi travailler sur la question de fond du partage de la valeur.

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