Le tour de la question
La méthanisation fait bon ménage avec l’agriculture bio
Les impacts de la méthanisation sur les systèmes agricoles bio ont été étudiés par Solagro. Céline Laboubée, cheffe de projet Bioénergies, revient sur les bénéfices les plus saillants.
L’étude de Solagro, financée par GRDF, avait pour objectif de réaliser un état des connaissances existantes et d’en déduire les pistes de travail complémentaires concernant les impacts, positifs et négatifs, de la méthanisation sur le développement de la filière bio. Le premier résultat concerne la fertilisation azotée. « Nous avons observé qu’il y avait davantage d’azote directement assimilable par les plantes grâce à la minéralisation d’une part d’azote organique et à la méthanisation de nouvelles ressources comme les couverts intermédiaires (1) ou les biodéchets », précise Céline Laboubée, cheffe de projet Bioénergies. Pour une bonne valorisation du digestat, les apports doivent être réalisés au moment où la plante en a le plus besoin, ce qui réduit le risque de lessivage, mais aussi le stock d’azote organique dans le sol. « Néanmoins, la logistique est plus complexe que pour les produits organiques classiques utilisés par le bio type fumiers, composts… Et l’épandage nécessite un outil adapté pour notamment l’enfouissement du digestat », précise Céline Laboubée.
Amélioration des rendements et de la qualité
Grâce à cette fertilisation azotée optimisée, les rendements connaissent une hausse de 20 à 25 % en moyenne sur blé, maïs, tournesol, colza ainsi que sur prairies, grâce notamment à la possibilité d’épandre du digestat après chaque coupe. La qualité des productions est également améliorée avec une teneur protéique des céréales plus élevée qu’avec des produits résiduaires organiques classiques (+10 à +11 % en moyenne). Sur prairies, on note aussi une meilleure qualité fourragère. Enfin, grâce à une production plus importante et de meilleure qualité (qui permet d’accéder à des prix de vente plus élevés), la rentabilité des exploitations est en hausse. « La résilience aussi est améliorée, pointe Céline Laboubée, car l’exploitation gagne en autonomie fourragère et fertilisante, mais diversifie également ses revenus dans les cas d’investissement au capital de l’unité de méthanisation. » Malgré ces résultats en faveur de la méthanisation sur les exploitations en agriculture biologique, plusieurs éléments pourraient freiner son développement : baisse des tarifs et des subventions liées à la méthanisation, acceptabilité des unités qui peut être mise à mal en local, crainte liée à la baisse de la demande en produits bios, ou encore l’incertitude sur l’évolution de la réglementation bio concernant les digestats.
(1) Il s’agit de cultures à croissance rapide semées entre deux productions principales, appelées aussi cultures intermédiaires pièges à nitrates.
Que dit la loi ?
Pour être utilisable en agriculture bio, le digestat ne doit être composé que des matières épandables suivantes :
- les effluents agricoles même s’ils sont conventionnels, sauf s’ils sont issus d’élevages « industriels » (système caillebotis ou grilles intégral ou en cage, et dépassant certains seuils) ;
- les matières végétales non transformées d’origine agricole ou agro-industrielle ;
- les biodéchets des particuliers et du secteur tertiaire (moins de dix salariés) triés à la source et issus d’une collecte spécifique ;
- les sous-produits animaux conformes au règlement européen de la bio.
« Pour rappel, les boues de stations d’épuration urbaines ou d’industries agroalimentaires ne sont pas autorisées en agriculture bio », rappelle Céline Laboubée.
Une étude en 3 étapes
Une analyse bibliographique a d’abord permis d’identifier les synergies et les freins. Une vingtaine d’entretiens ont ensuite été menés pour conforter les résultats de l’analyse bibliographique (dix au sein de la filière bio et méthanisation, et dix auprès d’agriculteurs bio méthaniseurs). Pour finir, Solagro a identifié les perspectives de développement de la méthanisation en agriculture bio, recensées dans un webinaire.