Entretien
« La méthanisation agricole ne doit pas être vue que sous l’angle énergétique »
Jean-François Delaitre, agriculteur en Seine-et-Marne, a été élu président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) le 16 novembre 2020. Il nous livre ses ambitions.
Quel est votre parcours en tant qu’agriculteur-méthaniseur ?
Je suis agriculteur depuis 20 ans à Ussy-sur-Marne, en Seine-et-Marne. Je cultive 235 ha de céréales, oléoprotéagineux et betteraves sucrières. La recherche de fertilisants organiques m’a conduit à m’intéresser à la méthanisation. En 2014, avec un voisin agriculteur, nous avons créé l’unité O’Terres Énergies. Elle injecte aujourd’hui 300 Nm³/h de gaz vert dans le réseau grâce à trois types d’intrants : les cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive), les résidus agro-alimentaires et les biodéchets, pour lesquels nous avons obtenu un agrément sanitaire et une autorisation en 2017. Je suis adhérent à l’AAMF depuis 2013, juste avant la mise en service de notre unité.
Quels projets porte l’association ?
L’acceptation de nos projets et de notre activité par le grand public, le partage et l’équilibre des intrants sur les territoires, et la démonstration du caractère vert des économies que nous développons guideront le quotidien de l’association. Nous travaillons à démontrer que la méthanisation agricole ne doit pas être seulement vue sous l’angle énergétique. Du fait des transitions climatiques, agricoles, sociales, économiques que nous opérons, nos projets sont tournés vers l’avenir, leur place doit être reconnue et leur valeur assumée. Le triptyque gaz vert, agriculture et territoire nous offre de belles perspectives. Nous devons travailler sur l’amont en développant la collecte de matière organique notamment auprès des cantines scolaires, et sur l’aval. Les usages du gaz doivent se développer et être compréhensibles par la population. Une des opportunités serait que les bus et les artisans roulent au gaz par exemple.
Par ailleurs, si les nouveaux tarifs d’achat du biométhane injecté mettent un coup de frein au développement de nouveaux projets, nous aurons davantage de temps pour travailler sur les dossiers de fond. Nous pourrons mieux répondre aux craintes de nos concitoyens concernant les nuisances olfactives, celles liées au transport, la qualité du digestat, le bilan carbone et gaz à effet de serre des unités… La charte des bonnes pratiques de la méthanisation agricole, la représentation nationale auprès des instances politiques et la communication positive de tous permettront d’imaginer l’avenir sereinement.
Comment se développe cette charte auprès de vos adhérents ?
Dix ans après la création de l’association, nous avons aujourd’hui 350 adhérents, des porteurs de projet pour la moitié d’entre eux. Sur les 180 unités en service, 80 ont été auditées et 30 ont signé la charte. La crise sanitaire a freiné l’avancée de nos deux organismes certificateurs sur le terrain mais d’ici l’été, toutes devraient être conformes à la charte.
La charte uniformise les aspects réglementaires, garantit la conformité des sites et prépare aux contrôles. Elle engage aussi les agriculteurs à se positionner dans une démarche d’amélioration continue pour aller au-delà des obligations réglementaires. Enfin, elle ouvre à la transparence et incite les agriculteurs à partager leur expérience avec les autres adhérents, mais aussi à communiquer vers le grand public en ouvrant leurs portes par exemple.