Retour d'expérience
Intégrer des biodéchets aux intrants du méthaniseur
À Réau, en Seine-et-Marne, une unité de déconditionnement et d’hygiénisation de biodéchets, baptisée « Normal soupe », a été créée par cinq agriculteurs-méthaniseurs et l’entreprise Moulinot, spécialiste de la collecte et du traitement des biodéchets.
Il y a un an, en mai 2023, l’unité de déconditionnement et d’hygiénisation « Normal soupe », basée à Réau en Seine-et-Marne, était mise en service. Elle est le fruit de la réflexion entre Moulinot, le spécialiste de la collecte et du traitement des biodéchets, et cinq agriculteurs-méthaniseurs installés en Seine-et-Marne (Sénart bio énergie à Réau, Bassée biogaz à Noyen-sur-Seine, O-terres énergies à Ussy-sur-Marne) et dans l’Aube (Panais énergie à Thennelières et Biogaz GDC aux Grandes-Chapelles).
« Nous sommes partis du constat qu’en région Île-de-France, nous avons des gisements colossaux de biodéchets qui partent à l’incinération ou à l’enfouissement, raconte la directrice de Normal soupe, Carine Mallier, également directrice et associée du méthaniseur Bassée biogaz. L’ambition de ce projet, c’est de reconnecter l’urbain au rural. L’urbain qui génère des biodéchets que le rural est capable, en partie, de traiter pour en faire de l’énergie et de l’engrais pour nos champs. C’est une économie circulaire dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres autour de Paris. »
Séparer les biodéchets des emballages
Une vingtaine de chauffeurs de camions réalisent ainsi des tournées de collecte auprès des cantines d’établissements scolaires, de collectivités ou d’hôpitaux, des cuisines centrales (type Elior ou Sodexo) et des métiers de bouche. On vide les bennes dans une trémie et les biodéchets sont entraînés dans un déconditionneur qui sépare les matières organiques des emballages. Les matières inertes (plastique, verre et métal), mises de côté, partent à l’incinération. Certains biodéchets récoltés contenant des intrants d’origine animale, l’usine Normal soupe doit se soumettre au règlement des sous-produits animaux. Les biodéchets forment une soupe que l’on chauffe à 70 °C pendant au moins une heure pour l’hygiéniser et éviter les risques de contaminations sanitaires. Elle est ensuite stockée dans des cuves avant de partir vers les unités de méthanisation par des camions-citernes.
Les digesteurs, alimentés auparavant par des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) d’hiver et d’été et des pulpes de betterave, intègrent chaque jour la soupe au mélange. Sur le méthaniseur de la Bassée biogaz à Noyen-sur-Seine par exemple, sur 65 à 70 tonnes par jour introduites dans le digesteur, la soupe représente un cinquième à un quart des intrants. « Il faut maîtriser subtilement la proportion de biodéchets par rapport aux Cive car les méthaniseurs demandent un apport constitué d’une base très régulière. Ils n’aiment pas les changements brutaux, souligne Carine Mallier. Si nous avons une soupe très riche, faite à base de restes de pain et d’huile par exemple et que le lendemain, c’est une soupe avec une majorité de légumes, cela peut créer des déséquilibres biologiques importants dans les cuves. »
Digestat identique
Concernant le digestat issu de la méthanisation, ses teneurs en azote, phosphore et potasse restent équivalentes à celles relevées avant l’intégration des biodéchets. Un contrôle strict hebdomadaire est en revanche obligatoire (règlement des sous-produits animaux), et opéré sur les cinq méthaniseurs pour contrôler les éventuelles présences de bactéries type Escherichia coli, salmonelle ou entérocoque, avant le retour au sol du digestat. « Le biogaz produit depuis l’intégration de la soupe est en revanche plus complexe, précise Carine Mallier, et donc notre système d’épuration l’est également afin de pouvoir injecter le biométhane dans le réseau. » Actuellement en montée en charge, l’usine Normal soupe devrait bientôt traiter environ 10 000 tonnes/an de biodéchets, sur une capacité totale de 40 000 tonnes/an. Pour rappel, depuis le 1er janvier 2024, tous les professionnels et particuliers doivent trier leurs biodéchets. Sur le terrain, cette obligation est encore en cours d’application.