Stratégie
Féeole, parc éolien citoyen et public, bientôt en service
En Ille-et-Vilaine, ce parc, au départ 100 % citoyen, est en train de sortir de terre. Il a connu différentes phases et a été en partie racheté il y a deux ans par Energ’IV, une société d’économie mixte locale.

Quinze ans. C’est le temps qui s’est écoulé entre les premières discussions autour du parc éolien Féeole en 2010, et 2025, année où les éoliennes vont tourner sur les communes de Coësmes et de Martigné-Ferchaud (Ille-et-Vilaine). « Nous étions au départ une quinzaine d’habitants impliqués de manières diverses dans la transition énergétique, motivés par l’idée d’un projet citoyen territorial », raconte Annick Lemonnier, l’une d’entre eux.
La première année, la troupe va se former, se documenter, chercher le terrain approprié avec l’appui de Roche aux Fées Communauté. En 2012, la SAS Féeole est créée et l’année suivante, 167 citoyens la rejoignent – regroupés en 37 associés dans plusieurs Cigales, pouvant chacune compter plusieurs membres. « Le travail se poursuit sur le foncier, les aspects techniques, juridiques, de communication… Et en 2016, nous déposons la demande de permis de construire », ajoute Annick Lemonnier. Vont suivre deux ans d’instruction par la Dreal et la préfecture, puis un recours de la part de trois riverains en 2018.
Un contexte économique qui change
« Pour resituer le contexte, à ce moment-là, les banques étaient prêtes à suivre avec un taux plutôt bas pour un investissement autour de 17-18 millions d’euros », développe Jean-Michel Boiron, aujourd’hui président de Féeole, association qui était à ce moment actionnaire unique de la SAS Féeole. En 2020, le recours est rejeté, mais il y a appel. Appel qui sera aussi rejeté en 2022. « Nous avons perdu quatre ans, résume Jean-Michel Boiron. Le parc est alors purgé de tout recours, mais le contexte économique n’est plus le même qu’en 2018… Les taux d’intérêt sont passés à 5 %, l’investissement à 24 millions d’euros. Nous nous rendons compte qu’on ne peut pas continuer seuls, ni techniquement ni financièrement. »
Deux solutions : vendre en totalité à un développeur privé (solution la plus rentable) ou solliciter des partenaires locaux pour conserver l’ADN du projet (moins rentable). « L’ambiance du collectif était alors électrique… Mais la majorité a choisi la deuxième option », sourit Jean-Michel Boiron, qui prend alors la tête de l’équipe. Cette dernière se tourne vers la SEM territoriale Energ’IV (du syndicat d’énergie 35) pour lui suggérer de faire une offre.
« Nous avons proposé un rachat partiel avec une autre SEM et Énergie partagée pour que le projet reste aux mains des personnes qui l’ont porté. Cela nous semblait capital pour qu’il n’y ait pas de perte de crédibilité de la parole donnée pendant le développement », explique David Clausse, auditeur général d’Energ’IV. Il précise : « La SEM n’a pas l’habitude d’intervenir à ce stade des projets, et préfère travailler dès la phase de développement, notamment car elle a développé une expertise autour de la concertation, mais nous avons agi là dans l’intérêt du territoire. »
« Renaissance et cicatrice »
Entre-temps, les citoyens sont, eux, rejoints par Roche aux Fées Communauté, qui investit dans Féeole développement citoyen. La signature définitive a lieu en juillet 2023, après une course contre la montre, notamment pour rester dans les délais donnés par Nordex sur ses tarifs. « Ça a redonné une dynamique au groupe, comme une renaissance ! », s’enthousiasme Jean-Michel Boiron.
Un bémol néanmoins : Energ’IV et les citoyens avaient travaillé pour que l’une des quatre éoliennes distribue sa production sur une boucle d’autoconsommation collective. « Nous avons étudié toutes les courbes de consommation des entreprises du secteur, levé les freins techniques et juridiques, mais les clients potentiels ont finalement renoncé, puisque nous aurions été un peu plus chers que les tarifs actuels (offre autour de 100 à 110 € du MWh pour un marché actuel européen de 70 € du MWh). Et ce alors même que nous proposions une stabilité de tarif sur quinze ou vingt ans », s’attriste David Clausse. « Cela reste une cicatrice, mais nous comptons bien nous servir de ce travail de défrichement pour le mettre en œuvre dans d’autres parcs locaux dans lesquels nous souhaitons nous investir », conclut Jean-Michel Boiron, confiant.
En chiffres
- Capital de la SAS Féeole : 20 % SEM Energ’IV, 20 % SEM SIPEnR, 20 % Énergie partagée, 40 % Féeole développement citoyen.
- Parc de 4 éoliennes de 3,2 MW chacune, soit 12,9 MW. Production prévue : 35 GWh/an.
- Mise en service prévue au printemps 2025.