Stratégie
Du méthaniseur au séchage de bois déchiqueté
En Ille-et-Vilaine, les adhérents de la Cuma La Fourragère se sont lancés dans la méthanisation et la valorisation de la chaleur produite pour sécher notamment des fourrages. L’idée : être acteur du territoire dans l’atténuation du changement climatique.
À la Cuma* La Fourragère, à Martigné-Ferchaud en Ille-et-Vilaine, l’atténuation du changement climatique est devenu un objectif. C’est pourquoi 67 adhérents en polyculture-élevage à dominante laitière, dont Guénaël Hamelin, sont impliqués pour relever ce défi. « Nous nous interrogions sur les limites de nos systèmes souvent dépendants du soja importé et nous étions en quête d’autonomie », raconte l’éleveur. L’objectif est donc d’augmenter les surfaces en légumineuses fourragères et en protéagineux, et de réduire les concentrés azotés dans les rations en utilisant des aliments riches en protéines produites localement, le tout associé à une gestion optimisée des pâturages. Quatre exploitations du collectif débutent également une réflexion en 2010 sur la création d’une unité de méthanisation en cogénération pour valoriser notamment les effluents. Elle entre en fonctionnement en 2016 et permet l’utilisation du digestat à la place d’engrais minéraux sur les cultures. L’unité est également alimentée par des cultures intermédiaires à vocation énergétique, des poussières de céréales, des fientes de volailles et des boues de stations d’épuration.
Luzerne, maïs, bois déchiqueté, déchets des papeteries…
« La cogénération est intéressante si l’on a besoin, sur le site de production, à la fois d’électricité et de chaleur. Or, dans les Hauts-de-France, les cultures n’ont pas une vocation énergétique, comme en Allemagne. Le modèle de méthanisation est davantage lié à l’économie circulaire. Il s’agit ici de valoriser des déchets agricoles, des déchets issus de l’agroalimentaire et des biodéchets. En outre, l’injection est avantageuse pour les agriculteurs en termes de revenus complémentaires. C’est un point essentiel compte tenu de leur situation financière. D’ailleurs, certains exploitants de la région commencent à diversifier leurs activités autour de l’injection, notamment en développant des projets de stations de ravitaillement pour les véhicules GNV », précisent Arnauld Étienne, référent méthanisation à la chambre d’agriculture des Hauts-de-France et Didier Copin, directeur de la mission Rev3 à la chambre de commerce et d’industrie de la région.
Afin de mettre en œuvre sa stratégie en matière de méthanisation, la mission Rev3 a créé dès 2014 le Corbi (Collectif régional biométhane injecté). Co-animé par GRDF et la chambre de commerce et d’industrie, celui-ci rassemble l’Ademe, la chambre d’agriculture, le conseil régional ainsi que tous les acteurs de la filière. Pour faire émerger les projets et accompagner les agriculteurs, des groupes de travail ont été mis en place sur des thématiques telles que l’adhésion des parties prenantes (l’un des principaux freins aux nouvelles installations étant l’acceptation par les riverains), la formation et l’emploi, le plan d’approvisionnement et d’épandage ou encore le financement et l’assurance.
En outre, cette coordination permet de déployer les installations de manière équilibrée, ni trop proches, ni trop éloignées les unes des autres. Pour faciliter l’injection, les sites de production doivent également se trouver à proximité d’un réseau de distribution. Étant engagé lui-même dans une politique de transition énergétique, GRDF a beaucoup travaillé sur la densité du réseau. L’objectif, à terme, est d’avoir un réseau approvisionné en forte proportion par du biogaz. Or l’injection permet largement d’y contribuer.
Le biogaz produit est brûlé dans une unité de cogénération et l’électricité générée est vendue au gestionnaire du réseau pour fournir l’équivalent de 1 000 foyers, hors chauffage. La chaleur produite est pour sa part utilisée pour réguler le fonctionnement du méthaniseur, mais aussi pour faire fonctionner un séchoir qui a vu le jour en 2017. «.Nous voulions créer un cercle vertueux en valorisant la chaleur issue de l’unité de cogénération, explique Guénaël Hamelin. Aujourd’hui, plusieurs produits sont séchés grâce à cette chaleur : luzerne, fétuque, chanvre, maïs grain, copeaux de bois… La qualité des produits étant bien meilleure, nous avons augmenté nos surfaces dédiées à la production de fourrage afin d’atteindre l’autonomie », précise l’agriculteur. Le séchoir a également été ouvert à d’autres acteurs du territoire afin de diversifier les produits séchés et de rentabiliser l’outil plus rapidement. « Nous testons actuellement le séchage de bois déchiqueté issu des tailles de la communauté de communes pour améliorer le pouvoir calorifique du bois afin qu’il puisse alimenter trois chaudières de la collectivité.», se réjouit l’éleveur. Pour valoriser localement les bienfaits du séchoir, un test est également en cours pour donner une seconde vie aux déchets des papeteries en les transformant en combustible solide de recyclage. Dans les cartons, d’autres idées font leur chemin comme la valorisation de la chaleur produite par l’unité de méthanisation dans une fromagerie locale.
*Coopérative d’utilisation de matériel agricole, La Fourragère a été créée en 1960 autour de l’activité ensilage avant de se diversifier. Le collectif a été lauréat de l’appel à projets Agriculture écologiquement performante du conseil régional de Bretagne en 2015, puis labellisé GIEE (Groupement d’intérêt économique et environnemental).
Rev3
La troisième révolution industrielle est une dynamique initiée en 2013 par le conseil régional des Hauts-de-France et la chambre de commerce et d’industrie, sous l’impulsion de Philippe Vasseur, ancien ministre de l’Agriculture et président de la mission Rev3. Son but consiste à hisser la région à la pointe de la transition énergétique et de la transformation numérique. Plus de 1 300 projets sont actuellement estampillés Rev3, dans des domaines tels que la production d’énergies renouvelables, le stockage, l’efficacité énergétique, les réseaux intelligents et la mobilité.