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Congrès mondial de l’agrivoltaïsme : beaucoup de questions sans réponse
Du 14 au 16 juin 2021 s’est tenu, en ligne, le deuxième congrès mondial sur l’agrivoltaïsme. De nombreuses questions sur les conditions de la cohabitation entre la production agricole et énergétique ont animé les débats.
Plus de 420 personnes originaires de 38 pays différents ont suivi les exposés présentés par la communauté scientifique du monde entier en ce mois de juin 2021. L’an passé, le premier congrès, qui s’était également tenu en visioconférence, avait réuni 360 personnes.
« Des décisions à prendre »
« L’agrivoltaïsme est un sujet qui prend de l’ampleur et qui intéresse beaucoup de monde, constate Abraham Escobar-Gutiérrez, chercheur à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) de Nouvelle-Aquitaine-Poitiers (Vienne) qui a clôturé le congrès. Le sujet est de plus en plus important car les enjeux sont réels. Il y a beaucoup de décisions à prendre pour développer cette technologie mais encore beaucoup de questions sans réponse pour le faire dans de bonnes conditions. » Pour le chercheur, l’essor de l’agrivoltaïsme s’explique par un prix en baisse des panneaux photovoltaïques, et une demande en énergie en hausse. « La diversité des approches vis-à-vis de l’agrivoltaïsme selon les pays est très enrichissante, les objectifs sont différents. En France, les projets agrivoltaïques qui concilient production agricole et énergétique sont souvent encore réalisés en conditions quasi expérimentales sur de petites surfaces avec des cultures à forte valeur ajoutée, ou sur des terres à faible potentiel avec un élevage ovin par exemple. Aujourd’hui, ces systèmes fonctionnent beaucoup grâce aux subventions publiques. Mais comment faire pour que ces modèles soient rentables, sans subvention, de façon pérenne pour les développeurs ? Et ce, sans que la production d’énergie s’effectue au détriment de la production agricole… »
« Pas encore prêts »
En France, comme plus largement en Europe, le chercheur estime qu’il faut rester prudent pour l’instant. « Nous ne sommes pas encore prêts à développer les panneaux sur de grandes surfaces agricoles. Aux États-Unis, au Mexique, au Canada ou en Australie, cette question se pose moins, car il y a beaucoup de surfaces agricoles et les rendements sont bien plus faibles qu’en France… », estime Abraham Escobar-Gutiérrez. L’enjeu est de ne pas opposer la production d’énergie et la production agricole au risque de retomber dans la polémique qui avait opposé la production de biocarburants et celle destinée au marché alimentaire il y a quelques années en France. Elle avait alors donné un coup de frein au développement de la filière des biocarburants. « Des ratios d’utilisation de sol entre la production électrique ou agricole doivent être définis, des seuils à ne pas dépasser, d’autant qu’il reste encore des milliers de toitures à exploiter, relève le chercheur. La communauté scientifique peut apporter des solutions, mais il existe encore beaucoup d’inconnues. » D’autres questions comme la place à donner à l’agrivoltaïsme par rapport à l’éolien sur terre et en mer, et par rapport aux centrales nucléaires ont également été posées lors du colloque. De quoi alimenter les débats du troisième congrès mondial prévu en juin 2022 en Italie.