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Biométhane, une filière en péril ?
Sans visibilité sur les mécanismes de soutien, la filière biométhane craint un ralentissement de sa dynamique dès 2024. Décret d’application des certificats de production de biogaz et adaptation des tarifs d’achat de biométhane sont attendus.
Dans son dernier bilan annuel, GRTgaz s’inquiète du « risque de coup d’arrêt pour cette jeune filière biométhane qui la fragiliserait durablement, avec seulement 77 nouveaux projets inscrits dans le registre en 2022 dans l’attente de nouveaux dispositifs de soutien ». Seuls 75 projets ont été enregistrés en 2021, contre 157 en 2020 et 344 en 2019, avant la réforme des tarifs d’achat.
La filière du gaz renouvelable s’alarme
Pour Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), « les filières de production de gaz renouvelables constituent un levier majeur de décarbonation et de résilience du système énergétique français. Mais le cadre économique et réglementaire ne permet plus d’assurer les conditions de développement de cette filière pourtant indispensable dans tous les scénarios de transition énergétique. Alors que la dynamique était forte jusqu’en 2022, il serait incompréhensible dans le contexte actuel de se priver des gaz renouvelables, produits dans les territoires et disposant d’un réseau sûr et résilient. » En effet, en 2022, pour la deuxième année consécutive, près de 150 sites de production de biométhane ont été mis en service, pour atteindre 514 sites, et un total de 9 TWh/an de capacités d’injection en fin d’année.
« La méthanisation pour injection est la seule filière d’énergie renouvelable française à être en avance sur les objectifs qui lui ont été fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), soit 6 TWh de production à fin 2023, ont souligné GRDF, GRTgaz, le Syndicat professionnel des entreprises locales gazières (SPEGNN), le SER et Teréga dans une conférence de presse le 8 mars 2023. Ces bons résultats ne doivent néanmoins pas masquer le brutal ralentissement que va connaître la filière dès 2024. En effet, depuis la modification du cadre économique fin 2020, le nombre de nouveaux projets n’a qu’à peine compensé les projets abandonnés dans la file d’attente. Pour relancer la dynamique, les gaz renouvelables ont besoin d’un cadre économique et réglementaire stable et sécurisant sur le long terme. »
Dans l’attente des CPB
La mise en œuvre opérationnelle du dispositif extrabudgétaire des certificats de production de biogaz (CPB), imposant aux fournisseurs un taux minimum d’incorporation de gaz renouvelable, devient une priorité pour la filière qui attend le décret d’application. Le SER et les opérateurs gaziers demandent également une adaptation des tarifs d’achat du biométhane au contexte inflationniste actuel. « Les projets de méthanisation doivent par ailleurs pouvoir profiter du fonds de garantie sur les contentieux* institué par la loi d’accélération des énergies renouvelables », soulignent-ils. Cette même loi a également ouvert de nouvelles perspectives pour les technologies innovantes telles que le power-to-gas, la pyrogazéification, la gazéification hydrothermale ou la méthanation. « La mise en œuvre au plus tôt d’appels à projets financés via le dispositif des contrats d’expérimentation permettra également de soutenir leur développement », affirme le SER.
* Ce fonds de garantie permettra de compenser une partie des coûts subis par les porteurs de projet en cas d’annulation contentieuse d’une autorisation environnementale.
Partenariat renouvelé entre GRDF et l’AAMF
« Il devient urgent d’obtenir des avancées réglementaires pour faire émerger de nouveaux sites de production de gaz vert », a alerté Jean-François Delaitre, président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) à l’occasion du renouvellement du partenariat qui lie l’association à GRDF lors du Salon de l’agriculture à Paris le 4 mars.
Afin de poursuivre le développement du gaz vert, GRDF et l’AAMF optimisent les performances techniques et environnementales de l’exploitation des sites, notamment à travers des formations. Les questions de la sécurité, de la maintenance du site et de l’appropriation locale sont également au cœur de la convention. Un contrat de progrès co-construit propose notamment aux porteurs de projet une approche pour communiquer avec leurs parties prenantes locales sur les évolutions de pratiques mises en œuvre sur leurs sites.