Entretien
Biodéchets : un potentiel pour les fertilisants et l’énergie
François Doussin, président du Syprea, le syndicat des professionnels du recyclage par valorisation agronomique, adhérent de la Fnade, nous explique les enjeux autour des biodéchets.
Que sont les déchets organiques ?
Les déchets organiques sont de trois types : les boues de station d’épuration, les déchets des industries agro-alimentaires et de la distribution (GMS) ou encore ceux issus de la restauration, et enfin les biodéchets des ménages et les déchets verts, qui proviennent de la gestion d’espaces verts.
Depuis 2012, le tri et la valorisation des biodéchets via les filières adaptées (de compostage ou de méthanisation essentiellement) sont obligatoires pour les entreprises qui génèrent des quantités importantes. La loi du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, oblige les professionnels produisant plus de 5 tonnes de biodéchets par an à les trier et à les valoriser depuis le 1er janvier 2023. Cette obligation sera étendue à l’ensemble des professionnels et des particuliers au 1er janvier 2024.
Quels bénéfices y a-t-il à collecter ces biodéchets ?
Il existe plusieurs intérêts à collecter ces biodéchets. D’abord, le but est de réduire le stockage des déchets et donc de les trier et les valoriser au maximum. Par ailleurs, l’incinération de biodéchets n’a pas de sens car ce traitement nécessite de l’énergie fossile alors que les biodéchets ont de la valeur pour fertiliser les champs à travers le compost ou le digestat issu de la méthanisation. C’est de l’économie circulaire : les biodéchets issus de l’industrie agro-alimentaire, des repas des ménages ou de la restauration, servent à fertiliser les champs qui produisent l’alimentation.
Par ailleurs, les filières de recyclage et de valorisation favorisent l’économie locale et les emplois. Mais même si la collecte et la valorisation des biodéchets vont devenir obligatoires pour tous, personne ne viendra vérifier les poubelles. Il faut communiquer sur le sens de cette action pour que chacun fasse l’acte de tri. Pour cela, il faut faire preuve de beaucoup de pédagogie et d’accompagnement pour expliquer les bénéfices induits pour la société. La valorisation des biodéchets permettra également peut-être de reconnecter les territoires urbains et ruraux les uns aux autres.
Les biodéchets représentent-ils une part importante dans la production d’énergie et dans la fertilisation ?
Les biodéchets issus des GMS et de la restauration représentent quelque 2 millions de tonnes (Mt) par an, dont la moitié environ est collectée aujourd’hui. À cela s’ajoutent les déchets de l’industrie agroalimentaire pour 3 Mt. Le marché des particuliers, qui va s’ouvrir en 2024, représente également 6,26 Mt/an (5 Mt de déchets alimentaires et 1,26 Mt de déchets des espaces verts). La valorisation de l’ensemble des déchets organiques (boues, biodéchets, déchets verts) permettrait de produire 70 000 à 95 000 tonnes d’azote par an, issu du compost ou de la méthanisation via le digestat.
Environ 5 000 exploitations agricoles, soit 350 000 hectares pourraient bénéficier de ces amendements dont la valeur agronomique est reconnue : apports d’éléments fertilisants, meilleure structure et portance du sol, vie biologique du sol favorisée… On ne pourra pas remplacer tous les engrais minéraux, mais le recours à la fertilisation organique, même si cela représente peu, retire de la tension sur un marché sous pression. Depuis la guerre en Ukraine, le coût des engrais azoté a triplé.