Entretien
Agronomie : vers une méthanisation plus respectueuse des sols
Grégory Vrignaud, gérant du cabinet de conseil ACE méthanisation, accompagne les agriculteurs sur les questions agronomiques dans le cadre de développement de projets. Pour l’ingénieur spécialisé, une méthanisation n’est durable que si l’on respecte le sol.
Qu’est-ce qu’une méthanisation non vertueuse et non durable ?
Il est difficile de répondre catégoriquement à cette question, puisque la méthanisation s’inscrit dans une approche globale de l’agriculture. Il faut donc prendre en compte divers critères, comme l’impact sur la qualité de l’eau, de l’air, du sol, l’usage de l’énergie, mais aussi la productivité de l’agriculture ou l’intégration de l’unité dans son territoire pour établir si la méthanisation est vertueuse. Le méthaniseur doit être un outil pour faire évoluer les pratiques agricoles. Pour moi, une méthanisation vertueuse implique des procédés durables vis-à-vis du sol et de la production agricole. Cela passe par une bonne conduite des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) quand il y en a, une valorisation du digestat au bon moment et à bon escient, une réflexion autour de la fertilisation et de l’autonomie fourragère pour les éleveurs.
Quel est l’intérêt, côté méthaniseur et côté exploitations, des Cive ?
L’intégration de Cive d’hiver est intéressante dans certaines zones céréalières, où la rotation principale colza/blé/orge n’est pas satisfaisante, à différents points de vue (agronomiques, via l’utilisation des produits phytosanitaires, économiques…). Côté exploitations, implanter une Cive (légumineuses, crucifères, phacélie, lin…) permet de faire des rotations plus longues (cinq ans au lieu de trois) et présente plusieurs intérêts agronomiques. Les parties aériennes des plantes sont utilisées pour alimenter le méthaniseur, mais les racines sont laissées et apportent de la matière organique au sol. Les Cive vont donc participer à couvrir et nourrir le sol (piéger l’azote, séquestrer le carbone, limiter l’érosion…), mais favorisent aussi la biodiversité (si l’on opte pour des plantes mellifères par exemple) et limitent le recours aux herbicides sur les autres cultures (notamment lorsque les Cive sont associées à des légumineuses). Côté méthaniseur, elles sont intéressantes pour les éleveurs, qui mécaniquement se retrouvent avec moins de fumier l’été. Économiquement, cela permet aux agriculteurs de sécuriser leurs apports – surtout pour ceux qui dépendent des intrants de l’agroalimentaire, mais pas seulement.
Comment bien valoriser le digestat ?
On entend souvent que le digestat de méthanisation est néfaste au bon fonctionnement du sol et empêche un retour de carbone efficace pour celui-ci, mais cela est plus compliqué que ça et dépend de son usage ! Il n’y a pas un digestat, mais des digestats. En résumé, deux catégories : celui issu en majorité de produits de l’agroalimentaire, riche en éléments minéraux, mais pauvre en matières organiques, et celui issu d’effluents d’élevage et de Cive, qui contient davantage de fibres. Dans les deux cas, il faut bien gérer les doses et choisir la bonne période pour les utiliser : par exemple avant couverts végétaux pour développer une belle biomasse qui sera restituée au sol, sur culture en place pour valoriser pleinement l’azote. Leur usage dépend de nombreux facteurs : durée de stockage des effluents, compostage ou aération des tas, matériel d’épandage, conditions météo après épandage… Dans nombre de cas, une gestion adéquate permet de faire baisser le recours aux engrais minéraux. De bonnes pratiques d’épandage sont aussi requises pour limiter la volatilisation du digestat.