Le tour de la question
Agrivoltaïsme : trouver le bon contrat entre exploitant agricole et développeur
Des acteurs du secteur travaillent à la définition d’un texte contractuel adapté à l’agrivoltaïsme afin d’assurer la viabilité juridique des projets sur le long terme.
« La viabilité légale d’un projet agrivoltaïque repose, aux yeux de la loi, sur les épaules de l’exploitant agricole, rappelle Quentin Hans, délégué général de la Fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA). Mais c’est à celui qui exploite l’énergie que sont demandées des garanties financières de démantèlement, et c’est au propriétaire du terrain d’assiette du projet de procéder au démantèlement des structures. Le schéma contractuel doit sur le plan juridique permettre et sécuriser la coexistence équilibrée et mutuellement bénéfique de deux activités portées par deux opérateurs distincts. »
Des contrats inadaptés
Aujourd’hui, il existe différents types de contrat à la disposition des développeurs et des exploitants agricoles.
Le bail rural
Le bail rural est très sécurisant pour l’agriculteur exploitant. Le locataire (l’exploitant agricole) paie un fermage au propriétaire, avec une exclusivité d’usage du sol. « Ce contrat est incompatible avec l’agrivoltaïsme, car il ne prévoit pas de coactivité sur une même parcelle agricole et ne prévoit donc pas le versement d’un loyer ou d’une indemnité de l’énergéticien vers l’exploitant, et il est difficilement modifiable », précise Quentin Hans.
« Dans un système en production agrivoltaïque, les contrats passés aujourd’hui entre l’exploitant et l’énergéticien devraient garantir aux agriculteurs les bénéfices du statut du fermage tout en les préservant de certains risques comme celui du démantèlement financier des installations photovoltaïques, cette dernière disposition ayant été introduite par la nouvelle loi d’accélération des énergies renouvelables. Or ce n’est pas le cas, explique Vincent Vignon, directeur du développement de Green Lighthouse Développement (GLHD). On doit inventer un nouveau contrat plus simple que la loi pour protéger les agriculteurs. C’est pourquoi nous réfléchissons en concertation avec d’autres acteurs à la rédaction d’un “fermage agrivoltaïque”. »
Le bail emphytéotique
Le bail emphytéotique, qui engage pour une durée minimale de 18 ans, est le contrat le plus utilisé aujourd’hui entre développeur et propriétaire pour les projets agrivoltaïques. « Pour l’énergéticien agrivoltaïque (et de manière générale, pour tout financement de projet d’énergie renouvelable), le recours au bail emphytéotique est incontournable pour disposer d’un droit réel sur le foncier afin de pouvoir prendre les hypothèques garantissant les financements de projet », estime Vincent Vignon. L’autre intérêt du bail emphytéotique est de pouvoir résilier le bail par anticipation si la production agricole est manifestement défaillante, disposition que le bail rural ne permet pas. « Le bail emphytéotique est bien, mais pas parfait, ajoute Quentin Hans. L’énergéticien ne peut pas, par exemple, apporter de modifications qui diminueraient la valeur du terrain. Il ne peut pas non plus consentir un bail rural sur ce même terrain. »
Liberté contractuelle
Le commodat ou prêt à usage repose sur la liberté contractuelle et le consentement des parties. Il ne présente pas d’engagement sur la durée. Il offre la possibilité d’y intégrer toutes les dispositions du bail rural, mais également des clauses contractuelles d’entretien du parc agrivoltaïque de la part de l’exploitant, des clauses relatives à la transmission ou des clauses de priorité de reprise lors du démantèlement des panneaux photovoltaïques.
« Pour être en adéquation avec la loi d’accélération des énergies renouvelables, ce type de contrat doit être respectueux du statut du fermage, précise Quentin Hans. Un travail reste à mener pour définir les clauses à intégrer dans les contrats pour permettre aux propriétaires, exploitants et énergéticiens d’être sécurisés dans leurs activités. Nous pourrions créer une sorte de texte à trous, un texte juridique qui servirait de base à tous et que chacun pourrait compléter avec les spécificités liées à son projet, son exploitation, ses contraintes… »
Vincent Vignon ajoute : « Nos contrats stipulent systématiquement que la responsabilité du démantèlement incombe à l’énergéticien. La réflexion en cours au sein de GLHD s’appuie sur l’existant : le prêt à usage. Aujourd’hui renouvelable annuellement, ce contrat précaire pourrait être effectif sur plusieurs années. Le fermage agrivoltaïque tel que nous l’imaginons doit favoriser une approche de responsabilité et garantir à chaque partie la maîtrise de son outil et des risques associés. »