Transféreurs, qui êtes-vous ?

Ils recherchent surtout une cohérence entre un comportement personnel et des usages au travail, facteur de mieux être, à l’image de Lorraine, convertie chez elle au “zéro déchets”, qui cherche à installer la démarche dans une des tours de La Défense. En partageant des pratiques environnementales, ils rendent leurs relations professionnelles plus conviviales, comme Chloé qui cultive un potager avec ses collègues. Ils ont tous conscience « qu’on ne peut pas continuer comme cela », tout en faisant « comme si de rien n’était » au travail.

Dissonance cognitive

« Le transfert est une réponse à une dissonance cognitive* », explique Gaëtan Brisepierre, qui a mené une enquête qualitative auprès de “transféreurs” et apporte son éclairage sur ce phénomène au sein des collectivités locales. « Dans les établissements publics en général, le mode d’organisation, très hiérarchisé et peu propice à l’initiative individuelle du salarié, n’encourage pas le transfert. Cependant, il est davantage expérimenté dans le sens inverse : travail-domicile. Les collectivités sont en effet assez engagées dans la transition écologique : beaucoup de salariés travaillent sur ces questions. Celui qui met en place un système de compostage dans sa ville voudra tout naturellement tester le concept dans sa copropriété, tout comme le conseiller info-énergie isolera logiquement sa maison. De plus, expérimenter un comportement encouragé par la collectivité dans son cadre personnel renforce la posture professionnelle du salarié : il sait d’expérience de quoi il parle, en plus d’être un expert technique sur le sujet. »

Accélérateur de transition

« Cette circulation du travail au domicile est un accélérateur de la transition écologique, confirme Gaëtan Brisepierre, comme de toute transition sociale, depuis la séparation des sphères privée et professionnelle induite par l’industrialisation : les technologies de l’information se sont diffusées dans la vie quotidienne par le truchement de leur développement au travail. »
Le sociologue de l’énergie, engagé sur la transition depuis de nombreuses années, alerte sur le besoin de cohérence exprimé par les transféreurs. « On s’est concentré sur la responsabilité du consommateur, en oubliant que si les entreprises et les services publics ne suivent pas, cela décourage : à quoi bon réduire sa température de chauffage quand le service des impôts ou la supérette sont surchauffés ? »
Corollairement, le sondage dévoile le retard pris par la sphère professionnelle dans la transition. 55 % des sondés font moins d’écogestes au travail qu’à la maison, 36 % en font autant et seulement 6 % en font plus. « Les transféreurs rattrapent ce retard », se réjouit Gaétan Brisepierre.

* Tension interne, malaise ou inconfort d’un individu lié à la contradiction entre ses actes, ses pensées, ses paroles, ses sentiments ou ses croyances, etc. Par exemple, entre un poste dans une industrie polluante et une conscience aiguë de l’ampleur de la crise écologique.