Décryptage
Loi énergie-climat : un frein à l’investissement des collectivités dans les projets d’énergies renouvelables
Selon les acteurs locaux, l’article 42 de la loi énergie-climat limite les possibilités, pour les collectivités locales, d’effectuer des apports en compte courant pour des projets de production d’EnR.
Publiée le 8 novembre dernier, la loi énergie-climat, dans son article 42, ajoute au code général des collectivités territoriales (CGCT) que « les communes et leurs groupements peuvent consentir aux sociétés de production d’énergie renouvelable auxquelles ils participent directement des avances en compte courant aux prix du marché et dans les conditions prévues à l’article L. 1522-5 ». Même chose pour les départements et les régions. La lecture rapide de l’article pourrait faire croire à un progrès. Mais il y a un loup, selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui se cache dans le renvoi à l’article L. 1522-5 du CGCT. Celui-ci soumet en effet les sociétés de production d’EnR de droits privés, SA ou SAS, aux mêmes obligations que les sociétés d’économie mixte locales (SEML). Il limite ainsi la durée maximale des apports en compte courant effectués par les collectivités locales pour des projets EnR à deux ans renouvelables une fois.
Une limite non adaptée aux projets EnR
Or, non seulement la possibilité pour ces dernières d’effectuer ce type d’avance n’est pas nouvelle – elle a été introduite par la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 pour activer le développement des EnR –, mais elle était auparavant possible via une simple convention n’imposant aucune limite de durée. «.Cette restriction n’a pas de sens au vu du financement de long terme que nécessitent les projets d’EnR. Cela risque de freiner les collectivités qui ne seront plus associées à la gouvernance des projets, alors que leur implication est un véritable atout pour favoriser l’acceptabilité locale », estime David Beauvisage, chef du département des élus, consommateurs, adhérents et formation de la FNCCR.
Au terme des deux ou quatre ans, l’article L. 1522-5 stipule que l’apport doit être remboursé ou transformé en augmentation de capital. « Mais la transformation des comptes courants en capital est un procédé figé qui ne répond pas aux besoins de financement des projets et qui ne permet pas aux collectivités locales d’être rémunérées. Cela crée une distorsion avec les autres actionnaires privés de la société de projet qui pourront continuer à apporter des comptes courants rémunérés », s’alarme Arnaud Brunel, directeur général de SIPEnR, société d’économie mixte spécialisée dans le développement et le financement de projets EnR publics et citoyens.
Des amendements pour corriger le tir
Issue d’un amendement adopté cet été, cette limitation aurait pour but de préserver la situation financière des collectivités territoriales. « Le risque est pourtant mince puisque les sociétés de projets EnR vendent l’énergie produite à un tarif soutenu par l’État. Elles n’ont rien à voir avec les activités d’une SEML », affirme David Beauvisage. Deux amendements sont ainsi proposés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 : revenir au droit antérieur à l’article 42 de la loi énergie-climat, ou, en second recours, fixer la durée maximale de ces avances à sept ans, renouvelables une fois.
Qu’est-ce qu’un apport en compte courant ?
Les apports en compte courant d’associés constituent un mode de financement complémentaire à l’apport en capital social. Contrairement à celui-ci, ils sont rémunérés et permettent de contribuer aux fonds propres de la société de projet. Leur montant peut évoluer en fonction des besoins de financement sans avoir besoin de faire varier le capital de la société.