Le tour de la question
Le rétrofit des véhicules accélère la transition énergétique
La conversion de véhicules thermiques en motorisation électrique à batterie ou à pile à hydrogène est une alternative à l’achat de véhicules neufs.
En France, transformer des véhicules thermiques en véhicules électriques est autorisé et encadré par l’arrêté du 13 mars 2020. Ce dernier permet l’homologation en série de véhicules rétrofités pour faciliter la procédure administrative tout en restant conforme aux exigences de la sécurité routière.
Une forte contrainte physique
Concrètement, le rétrofit consiste à remplacer la chaîne de traction diesel ou essence – constituée d’un moteur, d’un échappement, d’une boîte de vitesses, d’un système de refroidissement et d’un réservoir – par un moteur électrique, une pile à hydrogène pour générer l’électricité, une bouteille à hydrogène et un réservoir d’énergie pour les phases d’accélération. « L’arrêté qui encadre cette pratique interdit d’intervenir sur la structure du véhicule, explique Éric Baleviez, directeur commercial et marketing chez Safra, acteur des matériels de transport de passagers basé à Albi (Tarn). Les nouveaux éléments doivent donc entrer dans l’emplacement des anciens, c’est une contrainte physique importante. » Ainsi, pour le transport public (bus, car), les piles prennent de la place en soute au détriment des bagages. « Nous travaillons avec l’administration pour faire évoluer l’interdiction de modifier le gabarit afin de garantir le même espace aux voyageurs et bagages », souligne Éric Baleviez.
Cet échange avec le ministère s’effectue dans le cadre de l’expérimentation lancée en 2021 au cours de laquelle Safra doit rétrofiter une quinzaine de véhicules inter-urbains en Occitanie. En appliquant le décret, l’entreprise met le doigt sur les aspects à réviser pour notamment réduire les coûts d’homologation. « Le prototype sera terminé fin 2022. Ensuite, on passera à l’industrialisation de la conversion afin de répondre à une demande en forte hausse, relève le directeur commercial. Mais pour chaque homologation d’un nouveau type de véhicule, nous devons pour l’instant “sacrifier” un véhicule afin de répondre à la norme de renversement R66 retournement, qui consiste à vérifier que la sécurité est assurée lorsque le véhicule est soumis à cette contrainte. Cela engendre des coûts importants pour des différences parfois minimes entre deux modèles. Nous travaillons également avec le ministère sur une évolution possible de cet aspect de l’arrêté. »
Des prix qui vont baisser
Le rétrofit permet d’accélérer la décarbonation du secteur des transports et d’allonger la durée de vie des véhicules en attendant l’arrivée de gammes neuves des constructeurs. « Pour un véhicule inter-urbain rétrofité, il faut compter entre 15 et 18 mois entre le projet de construction, le sourcing achat des éléments permettant de conserver les performances initiales du véhicule et sa mise en service après homologation, note Éric Baleviez. Côté budget, je compte 70 000 € pour l’achat d’un véhicule inter-urbain d’occasion [un véhicule peut être rétrofité s’il a moins de cinq ans, selon l’arrêté, ndlr] et 320 000 à 340 000 € un kit de rétrofit [pièces et main-d’œuvre], calcule Éric Baleviez, sachant que ce coût total d’environ 400 000 € va fortement diminuer dans les cinq à huit ans grâce à l’accélération de la transition énergétique ».
À titre de comparaison, le coût d’un véhicule inter-urbain électrique neuf est d’environ 500 000 €, si un véhicule de cette gamme a déjà été homologué. Des subventions nationale et régionale accompagnent également cette transition (prime à la conversion, plan Ademe…). En France, plusieurs constructeurs proposent de rétrofiter certains véhicules : Safra, E-trucks, Green Corp Konnection, IBF H2, GreenGT…
Réduction d’émissions de CO₂ et gain économique
« Lorsqu’un rétrofit est possible, cette option présente toujours une baisse supplémentaire des émissions de gaz à effet de serre ou de polluants par rapport au choix de l’achat d’un véhicule électrique neuf », souligne l’Ademe dans son étude parue en mars 2021 sur les conditions nécessaires à un rétrofit économe, sûr et bénéfique pour l’environnement. La conversion des citadines « permettrait de réduire de 66 % les émissions de CO₂ par rapport à la conservation d’un véhicule diesel, et de 47 % par rapport à l’achat d’un véhicule électrique neuf ». Le rétrofit des autobus permet de réduire de 87 % les émissions de CO₂ par rapport à la conservation du véhicule diesel, et de 37 % par rapport à l’achat d’un véhicule électrique neuf.
Concernant le bénéfice économique, l’étude montre « que la pertinence économique du rétrofit est meilleure pour les véhicules lourds, notamment les autobus, que pour les citadines » où le rétrofit coûte presque aussi cher que l’achat d’un véhicule électrique neuf.