Le tour de la question
Grand Châtellerault, l’autoconsommation territoriale en circuit court
De nombreuses collectivités souhaitent s’approvisionner avec de l’électricité renouvelable produite sur leur territoire. Après avoir testé plusieurs formules, Grand Châtellerault a trouvé le moyen de se fournir en circuit court.
Quand une collectivité souhaite devenir plus vertueuse dans ses achats d’électricité, les options ne sont pas légion. Grand Châtellerault (Vienne) a d’abord testé le système des garanties d’origine afin de se fournir en électricité verte. Mais cette communauté d’agglomération labellisée Cit’ergie n’a pas été convaincue de leur vertu réelle. Elle a aussi installé quelques petites centrales solaires en autoconsommation individuelle. Là aussi, elle est restée sur sa faim. Quant à l’autoconsommation collective, le cadre administratif et juridique est trop contraignant à l’échelle d’une intercommunalité de 47 communes et 86 000 habitants, car la loi plafonne la distance entre les points de production et de consommation à 2 km maximum.
Dans le cadre d’un programme de R&D mené avec un nouvel opérateur du monde de l’énergie, Selfee, sur la thématique du circuit court, une solution émerge : l’autoconsommation territoriale en circuit court. « Le principe, c’est de consommer une électricité d’origine renouvelable qui vient de notre territoire (territoriale), qui est si possible produite par l’agglomération elle-même (autoconsommation) et qui passe par le réseau avec un seul intermédiaire (circuit court) jouant le rôle d’agrégateur, de responsable d’équilibre et de fournisseur », explique Philippe Éon, directeur des stratégies environnementales et territoriales de Grand Châtellerault.
2020-2021 : autoproduction
En pratique, le code des marchés publics ne permet pas de choisir un fournisseur selon un critère géographique. Grand Châtellerault a eu recours à deux types de marchés de fourniture. Le premier a été expérimenté sur deux années (2020 et 2021) avec un plafond de 100 000 €, seuil en dessous duquel la procédure de publicité et de mise en concurrence n’était pas obligatoire. Selfee, qui se positionne comme fournisseur, agrégateur et responsable d’équilibre, est sélectionné.
En parallèle, la collectivité a investi dans la construction d’une centrale solaire au sol de 250 kW à une dizaine de kilomètres de la ville de Châtellerault. « Ainsi, Selfee peut affecter en temps réel la production de la centrale photovoltaïque (300 MWh par an) aux besoins en consommation de six sites de l’agglomération (1 GWh par an) », explique Philippe Éon. L’électricité fournie est donc verte, territoriale et en circuit court. Le complément est acheté par Selfee sur le marché. La part produite par la centrale solaire est injectée gratuitement sur le réseau et facturée 0 en retour (abstraction faite du coût de la prestation), venant ainsi alléger le prix du MWh pour la collectivité.
2022 : circuit court
Le second marché de fourniture a été lancé en 2022. Cette fois, il s’agit d’un marché classique mais incluant un lot “circuit court”. Parmi les critères de sélection, le fournisseur doit pouvoir attester la traçabilité de l’électricité renouvelable en temps réel. « Seul Selfee est capable de nous garantir une transparence des chiffres de production, de consommation et d’équilibrage en temps réel », souligne Philippe Éon. Selfee a donc été choisi pour fournir 3,5 GWh via un accord-cadre de quatre ans et des marchés subséquents d’un an.
L’opérateur s’alimente lui-même à plusieurs sources : la centrale de 250 kW appartenant à la collectivité et, depuis peu, plusieurs installations photovoltaïques totalisant 1,2 MW et exploitées par la société montpelliéraine Apex énergies. Certes, ces dernières ne sont ni locales ni détenues par la collectivité, mais leur énergie transite en circuit court. En effet elles font l’objet d’un PPA (power purchase agreement, contrat d’achat de gré à gré) signé entre Apex et Selfee pour une durée de 18 mois, à un tarif fixe de 180 € le MWh. Le complément provient là aussi du marché.
Résultat, un coût global de l’électricité moins cher que si la totalité devait être achetée sur le marché. « L’étape suivante, c’est de trouver le moyen d’avoir une contractualisation de long terme avec les producteurs, qui soit conforme aux marchés publics de service. C’est aussi d’intégrer de l’éolien, afin d’avoir de l’électricité renouvelable la nuit », espère Philippe Éon.
Pas convaincu par les garanties d’origine
Les garanties d’origine certifient qu’à un MWh consommé, correspond un MWh d’électricité d’origine renouvelable produit. Elles peuvent être utilisées dans les 12 mois suivant la production de l’unité d’énergie correspondante. « En temps réel, on est alimenté par des sources qui ne peuvent pas être identifiées », constate Philippe Éon.
Grand Châtellerault a également installé quelques petites centrales en autoconsommation individuelle. Mais les résultats sont difficiles à évaluer. « Le dimensionnement est limité, avec peu de visibilité sur l’intérêt financier. Par exemple, nous n’arrivons pas à mesurer précisément une baisse de consommation du site qui correspondrait à la production de la centrale, soit par effet rebond (un bâtiment qui profite de travaux pour agrandir sa surface), soit à cause de problèmes de comptage ou de transmission de données », indique Philippe Eon.