Le tour de la question
Du photovoltaïque grâce à une société coopérative d’intérêt collectif
Dans les Hautes-Alpes, Énergies collectives exploite une dizaine de toitures solaires grâce à son statut de société coopérative d’intérêt collectif (Scic) et à l’engagement de ses 243 coopérateurs, à 90% des citoyens.
« Pouvoir créer ensemble, c’est une vraie énergie collective », s’enthousiasme Thomas Beth, président (bénévole) de la Scic Énergies collectives, une structure coopérative qui monte des projets photovoltaïques sur le territoire de l’Embrunais-Savinois. À l’origine, ce géologue passionné de montagne avait participé activement à une association visant à faire connaître l’économie sociale et solidaire aux citoyens. La transition énergétique était au programme. « C’est un colosse à deux pieds, d’abord la sobriété énergétique, ensuite les énergies renouvelables. Mais pour produire des énergies renouvelables, il fallait passer en société. Une association est un modèle souple, mais le président est responsable à hauteur de son patrimoine », raconte-t-il. Après un an de réflexion collective, le choix d’une société coopérative d’intérêt collectif (Scic) s’est imposé, avec comme statut juridique la SAS (société par actions simplifiée) (1). « C’est une SAS, donc une société avec un bilan financier et l’objectif d’avoir une rentabilité. Et c’est aussi une société coopérative, avec une logique citoyenne et non pas capitalistique, car une personne égale une voix. Cette forme permet la réappropriation de la transition énergétique par les citoyens, ce qui est primordial », souligne Gilles Wegner, membre du conseil d’administration d’Énergies collectives.
Des toitures à disposition
À sa création en janvier 2016, la Scic Énergies collectives comptait une centaine de coopérateurs, dont 5 entreprises, 2 communes et le syndicat mixte d’électrification des Hautes-Alpes. Aujourd’hui, elle est détenue par 243 coopérateurs, « dont une dizaine de collectivités locales, une dizaine d’entreprises et 90 % de citoyens », indique Thomas Beth. Son capital social s’élève à 127 500 euros, chaque part ayant une valeur de 50 euros. « En moyenne, un coopérateur possède 10 parts, mais ce n’est pas du tout représentatif. Par exemple, le syndicat d’énergie des Hautes-Alpes a 700 parts », indique Thomas Beth. Quelques communes ont juste pris une part, mais « leur soutien est plus politique que financier. Elles nous prêtent des locaux pour des réunions et nous mettent des toitures à disposition », explique Thomas Beth. Entre 2016 et 2023, la Scic a mis en service une dizaines de centrales photovoltaïques sur toiture, pour des puissances entre 9 et 26 kW et un total de 147 kW, soit un investissement de près de 300 000 euros. En tout, elles produisent environ 200 MWh par an. Toutes sont sur le modèle économique de l’injection totale sur le réseau, avec achat de l’électricité par EDF Obligation d’achat ou Enercoop. Après déduction des charges liées aux emprunts, aux assurance et aux frais d’exploitation des centrales, les bénéfices se sont élevés à 5 600 euros en 2022. « Dans une Scic, la lucrativité est limitée. On doit placer au moins 57,5 % des bénéfices en réserve impartageable. Le reste peut être distribué sous forme de dividendes, mais pour l’instant nous ne l’avons pas fait », indique le président.
Défi sobriété
Cet argent sert à alimenter la trésorerie, à autofinancer les prochains projets (à hauteur de 30 à 40%, le reste étant de l’emprunt bancaire). En 2020-2021, il a aussi contribué à l’organisation d’un « Défi sobriété » au budget de 5 000 euros. Sur une année, les 22 foyers qui y ont participé jusqu’au bout ont réussi à économiser 26 000 kWh au total, « soit l’équivalent de la production de deux centrales de 9 kW, correspondant à un investissement d’environ 40 000 euros », souligne Thomas Beth. Autre avantage d’être en Scic selon le géologue, « l’intégration de collectivités locales au capital, pour un plus fort ancrage territorial ». La stratégie est fixée par l’assemblée générale, qui délègue au conseil d’administration (une dizaine de bénévoles administrateurs dans cet exemple) la gestion de la société. « Le CA gère tout, les contacts avec les banques, la recherche de toiture, la maintenance, le suivi des centrales, etc. », explique Gilles Wegner. Une belle aventure humaine, qui repose aussi beaucoup sur le don de temps et d’énergie des coopérateurs, et en particulier de tous les autres administrateurs, que Gilles et Thomas ont à cœur de remercier.
(1) La société coopérative d’intérêt collectif est une entreprise coopérative constituée sous forme de SARL, SAS ou SA à capital variable. Selon la loi du 17/07/2001 qui a créé les Scic, elles ont pour objet « la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale ».