Stratégie
Collectivités locales : comment engager le virage vers la sobriété ?
Virage énergie, association spécialisée dans la prospective énergétique depuis 2006 dans les Hauts-de-France, s’attèle à promouvoir les politiques de sobriété énergétique. Elle accompagne actuellement plusieurs territoires, ruraux, urbains, diffus ou denses, vers un virage énergétique et des transformations sociales, paysagères et économiques profondes.
La sobriété énergétique, kézaco ? Il s’agit de réduire les consommations d’énergie par des changements de comportement, de mode de vie et d’organisation collective : moindre usage de la voiture, alimentation plus locale et de meilleure qualité, etc.
Sortir du tout techno
« Cela va bien au-delà de l’efficacité énergétique qui fait appel exclusivement à des technologies permettant de réduire les consommations d’énergie à l’échelle d’un objet ou d’un système donné, tel un véhicule moins consommateur, un bâtiment rénové, etc., explique Barbara Nicoloso, directrice de l’association (1). Une société engagée dans la sobriété énergétique modifie ses normes sociales, ses besoins individuels et ses imaginaires collectifs au profit d’une réduction volontaire et organisée des consommations d’énergie. Parallèlement, cette démarche collective permet de limiter les externalités négatives des modes de consommation et de production (pollutions, bruit, problèmes de santé, etc.) et participe en ce sens à une amélioration générale de la qualité de vie des populations. »
Suivi des co-bénéfices
Depuis quatre ans, Virage énergie accompagne cinq collectivités locales qui élaborent une stratégie globale et des indicateurs de suivi des consommations d’énergie bien sûr, mais aussi des co-bénéfices d’une politique de sobriété : amélioration de la santé des habitants avec la réduction des pollutions liées au transport individuel, économies de ressources permettant à la collectivité d’investir dans de nouveaux projets créateurs d’emplois. « Il s’agit de trouver des éléments de langage positifs, poursuit la directrice, de démystifier ce qu’un changement profond de mode de vie signifie, en montrant par exemple que des réorganisations de la société ont déjà eu lieu dans l’histoire, après-guerre par exemple, et que ce n’est pas insurmontable. Nous accompagnons les territoires à déconstruire les idées reçues. La sobriété ne signifie pas renoncer, accentuer la précarité ou diminuer la qualité de vie, d’autant que le constat actuel est empreint de vulnérabilité, d’inégalités. Réduire les usages ne signifie pas réduire les besoins, mais tendre vers une consommation plus raisonnable, effectuer un rééquilibrage entre ceux qui ont trop et ceux qui ont trop peu. »
Équilibre
Ce choix politique repose sur un exécutif convaincu que la sobriété apporte de l’attractivité au territoire, crée des emplois et une économie sobre mais dynamique. En somme, une forme d’exemplarité qui donne envie. Le travail consiste à définir, à l’échéance 2050, ce que serait un territoire sobre, ce qui est désirable et ce qui ne l’est pas, puis à construire un projet autour ce ces axes. « C’est une refonte totale des modes de fonctionnement de la collectivité locale, selon Barbara Nicoloso, qui n’est ni ascèse, ni privation, mais rééquilibrage. La sobriété doit se construire démocratiquement et suppose d’inventer un autre imaginaire de liberté et d’émancipation. »
(1) Barbara Nicoloso est aussi l’autrice du livre Petit traité de sobriété énergétique, paru en 2021 aux éditions Charles Léopold Mayer.
Des territoires s’engagent
Pour le Syndicat mixte du SCoT du Grand Douaisis (Nord), l’idée est de rester attractif par rapport à la métropole Lilloise toute proche. La communauté de communes du Clunisois (Saône-et-Loire), doit quant à elle faire avec un habitat victime de vacance une bonne partie de l’année et un patrimoine historique contraignant la rénovation. Dans un territoire de montagne comme celui de l’agence locale de l’énergie d’Ardèche, il s’agit de trouver des modes de transport doux et partagés alors que le train ne peut plus se développer. À Dunkerque (Nord), le paysage est fortement marqué par le pétrole. Que devient un port industriel lorsque cette énergie vient à manquer et que la submersion marine entrave son fonctionnement ? Autant d’exemples à suivre sur lesquels nous reviendrons.